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LE DISCOURS PHILOSOPHIQUE (M. Foucault) Fiche de lecture

Une pensée de l’archive

Mais, si Foucault parvient ainsi à déployer cette configuration discursive fondamentale du discours philosophique, c’est que lui-même n’en est déjà plus prisonnier parce qu’elle se défait, proclame-t-il, sous ses yeux. Pour illustrer cette « mutation » (chap. 11) qui bousculerait l’ordre fondamental des discours, il produit deux témoins : d’abord un philosophe, Nietzsche, présenté comme celui qui fait éclater à coup d’aphorismes rageurs la forme classique de la philosophie et la confronte à l’expérience nouvelle de son vide, de son impossibilité, de sa dilution (chap. 11) ; ensuite, ce qu’il appelle « un événement unique et essentiel », à savoir « l’organisation d’une archive intégrale » (chap. 13). La méthode de Foucault se donne alors comme la prise en compte réflexive de cette ontologie nouvelle des discours – l’archive – qui s’impose progressivement dans la culture occidentale. Auparavant considérés comme des surfaces d’expression où venaient passivement se refléter des idées, des récits, des croyances, ils le sont désormais comme des machines discursives, ils sont la loi de production et de distribution des grandes intuitions, des élans théoriques, des prises de parole, etc. Le discours n’est plus un simple plan discursif projeté par des pensées fulgurantes, mais leur matrice, leur condition de possibilité.

C’est ainsi que la principale difficulté du texte de Foucault se résout par la grâce d’une mutation culturelle majeure qui lui offre sa condition de possibilité. Si l’« archéologie du discours philosophique » doit se substituer désormais à l’histoire traditionnelle de la pensée, c’est qu’elle se situe à la verticale de cette révolution copernicienne du discours.

On est, à la lecture, ébloui par cette archéologie de la philosophie occidentale que Foucault dessine sous nos yeux, assignant à chaque génie philosophique sa place dans un jeu de pistes discursives, réduisant les grandes oppositions et les polémiques majeures à de simples bifurcations sur les cartes de la pensée. Alors, bien sûr, pour parodier Spinoza, on dira que c’est toujours de philosophie philosophée qu’il s’agit, et jamais de philosophie philosophante. Mais, surtout, parce qu’elle est résolument descriptive, sa méthode laisse délibérément dans l’ombre le problème que Sartre lui a opposé dans un article célèbre (« Jean-Paul Sartre répond », in L’Arc, octobre 1966), celui des forces matérielles qui nourrissent et font bouger les configurations secrètes du discours.

— Frédéric GROS

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Écrit par

  • : professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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