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LE DIT DU GENJI (GENJI MONOGATARI), Murasaki Shikibu Fiche de lecture

Un réalisme esthétisant

L'importance du Dit du Genji est d'avoir renouvelé le genre romanesque, jusqu'alors généralement limité à des récits assez courts. Par ses descriptions psychologiques de la cour, il constitue le premier roman réaliste de son temps. Le monogatari est un terme désignant à la fois des contes brefs et des recueils beaucoup plus longs, comme Le Dit du Genji justement, qui rassemble près de deux mille pages. Il sera l'objet, dès l'ère Kamakura (1185 ou 1192), d'un grand nombre d'exégèses, de commentaires prolongés par les lettrés et les érudits des ères suivantes, notamment sous les Tokugawa, entre 1616 et 1868. Ce travail s'avéra, avec le temps, de plus en plus indispensable, la langue orale évoluant en se détachant considérablement de celle du texte.

Si les caractères masculins correspondent, généralement, aux archétypes en vigueur dans la société aristocratique du Japon médiéval, en revanche ceux des femmes échappent à ce stéréotype et forment ainsi une galerie de portraits d'une grande variété. Peut-être est-ce dû à la personnalité féminine de l'auteur, Murasaki Shikibu, qui appartenait à la famille des Fujiwara, et était mariée à un homme de vingt ans son aîné. À la mort de celui-ci, elle rentra au service de l'impératrice Akiko et la suivit lorsqu'elle entra en religion. Rien de surprenant, donc, à ce que son œuvre porte la trace de cette éducation extrêmement raffinée, privilégiant l'étude des lettres chinoises et japonaises.

Si le roman a connu une telle notoriété, il le doit davantage à l'atmosphère qu'il évoque avec subtilité qu'à l'intrigue qu'il développe. L'amour reste le thème dominant du récit, sous toutes ses formes, des plus heureuses aux plus malheureuses, toutes étant prises dans le jeu du destin et du hasard. Murasaki Shikibu fut peu appréciée en Europe, où on la qualifia de « Scudéry japonaise », en référence à Madame de Scudéry (1607-1701), auteur de romans précieux. Il fallut attendre que la culture du Japon soit mieux connue et l'époque décrite, celle de l'apogée des Fujiwara, plus familière, pour que l'on reconnaisse enfin tout le talent de l'écrivain.

Le roman présente une caractéristique particulière. Évoquant le milieu de la cour impériale et la recherche permanente du beau, dans une quête poétique incessante, Murasaki Shikibu parvient à faire œuvre de réalisme. Les personnages sont ainsi enfermés dans le monde restreint des plaisirs les plus raffinés, sans que cet hédonisme revendiqué et ce refus de la réalité crue et vulgaire débouchent sur le néant. L'esthétique devient une voie d'accès privilégiée à l'essence des choses. Le raffinement n'est pas ici une façade dissimulant mal l'inconsistance des êtres, mais un art de vie, un art d'aimer destiné à triompher de l'impermanence.

— Florence BRAUNSTEIN

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