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LE DIVAN OCCIDENTAL-ORIENTAL, Johann Wolfgang von Goethe Fiche de lecture

« Meurs et deviens »

Dans les deux premières strophes du poème « Chant et figure », au Livre des chants, Goethe résume l'évolution de son art poétique. « Que le Grec pétrisse l'argile/ Pour en former des statues/ Et que l'œuvre de ses mains/ Accroisse son délice ;// Notre volupté à nous/ Est de plonger dans l'Euphrate/ Et, dans l'élément liquide,/ De nous ébattre librement. » Désormais affranchi du classicisme grécisant issu de Winckelmann, Goethe illustre dans le Divan une esthétique de la fluidité et de la métamorphose qui ne recherche plus la plasticité et le beau sublime, mais privilégie les formes courtes, la variété des mètres et des rythmes, l'ornementation et la sentence ciselée. Cet adieu au classicisme marque aussi une prise de distance à l'égard du romantisme, entendu comme la postulation exaltée d'arrière-mondes métaphysiques, dont Goethe s'est toujours détourné.

Avec une simplicité trompeuse, qui cache une profondeur parfois énigmatique, Goethe condense ses connaissances scientifiques (ainsi les poèmes « Phénomène » dans le Livre du chanteur et « Retrouvailles » dans le Livre de Souleika résument quelques chapitres de la Théorie des couleurs) et sa sagesse philosophique et religieuse. Ses convictions déistes trouvent leur équivalent dans l'ancienne foi persane que l'islam a supplantée. Dieu a créé l'univers. À présent « Point n'est besoin à Allah de créer désormais,/ C'est nous qui créons son univers. » La religion du « vieux Parsi » est une hygiène et une morale pratique, mi-épicurienne, mi-voltairienne : « Accomplissement quotidien de gestes rigoureux./ Point n'est besoin d'une autre révélation », affirme le « Testament de l'ancienne foi persane. »

Dans le poème philosophique sans doute le plus célèbre du Divan, « Bienheureux désir », résonnent des accents nietzschéens avant la lettre. Mais est-il besoin de rappeler que les anciens Persans étaient des fidèles de Zoroastre (Zarathoustra) ? « Je veux louer le Vivant/ Qui aspire à la mort dans la flamme. [...] Et tant que tu n'as pas compris/ Ce : meurs et deviens !/ Tu n'es qu'un hôte obscur/ Sur la terre ténébreuse. » Stirb und werde : cette acceptation sereine de l'éternel retour de la métamorphose qui entraîne la vie vers la lumière puis la fait retomber dans la mort pourrait être mise en exergue du Divan occidental-oriental.

— Jacques LE RIDER

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Johann Wolfgang von Goethe - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Wolfgang von Goethe