LE FANTÔME DE L'OPÉRA, Gaston Leroux Fiche de lecture
Au même titre que Frankenstein (1817) de Mary Shelley ou Dracula (1897) de Bram Stoker, Le Fantôme de l'opéra de Gaston Leroux (1868-1927) fait partie de ces œuvres qui, parce qu'elles fondent des mythes, se sont rapidement enracinées dans l'imaginaire collectif et ont suscité de multiples avatars. Le récit fantastique auquel elles avaient donné naissance s'est ainsi peu à peu émancipé du texte originel. Du coup, chacun les connaît, sans pour autant les avoir lues. Le roman de Gaston Leroux a ainsi fait l'objet de plus de cent adaptations télévisées ou cinématographiques, dont celles de Julian Rupert et Edward Sedgwick avec Lon Chaney (1925), d'Arthur Lubin (1943), de Brian de Palma (Phantom of the paradise, 1974) et de Dario Argento (1998). Il a en outre fourni la trame de trente-cinq pièces de théâtre, ballets ou spectacles, dont le plus célèbre est la comédie musicale composée par Andrew Lloyd Webber, auteur également de Cats et de Jesus-Christ Superstar.
Ange et démon
Gaston Leroux ne prévoyait sans doute pas que son roman connaîtrait un destin aussi exceptionnel. Mais quand, en 1909, il commence à le faire paraître dans Le Gaulois, il est déjà habitué aux succès. Deux ans plus tôt, avec Le Mystère de la chambre jaune, il a imaginé la plus insoluble des énigmes policières : une tentative de meurtre dans une pièce sans fenêtre fermée de l'intérieur. Ce livre et sa suite, Le Parfum de la Dame en noir, ont aussitôt changé en romancier célèbre celui qui était jusqu'alors grand reporter au Matin, connu surtout pour ses enquêtes sur l'Espagne ou la Russie d'avant la révolution. Leroux abandonne du coup le journalisme pour se consacrer à l'écriture. Mais celui-ci restera très présent dans son œuvre, d'abord à travers son héros Rouletabille, mais aussi à travers la manière d'agencer ses récits. C'est ainsi que, dans l'Avant-propos du Fantôme, le narrateur est présenté comme un enquêteur, résolu à faire la lumière sur de tragiques événements qui, trente plus tôt, ont affecté l'opéra de Paris.
À cette époque, le somptueux palais édifié par Charles Garnier est devenu le rendez-vous de la haute société. Mais on dit qu'un personnage à tête de mort hante ses sous-sols, où l'on vient de retrouver un machiniste pendu. Ce « fantôme » se manifeste auprès des nouveaux directeurs, exigeant d'eux, sous peine de représailles, une rente mensuelle ainsi qu'une loge gratuite, et les invitant à promouvoir la carrière de la jeune cantatrice Christine Daaé. Devant leur refus, il met ses menaces à exécution : au moment de chanter son grand air, la Carlotta est victime de couacs, et l'énorme lustre de l'opéra s'abat sur la salle.
Christine devient alors la diva en titre. Hier encore débutante, elle a stupéfait le public par ses progrès fulgurants et conquis le cœur de Raoul de Chagny. Mais, entré un soir dans sa loge, celui-ci l'entend parler tendrement à un homme. Il la presse alors de lui dire le nom de ce rival. Christine lui avoue qu'il s'appelle Erik et qu'il est l'Ange de la musique, dont son père, sur son lit de mort, lui avait annoncé la venue. Désespéré, voyant qu'elle tombe peu à peu sous l'emprise de cet être invisible devenu son maître de chant, Raoul songe à partir au bout du monde, lorsque Christine lui promet de fuir avec lui, après une dernière représentation.
Mais, au cours de celle-ci, elle est enlevée par Erik. Celui-ci, qui n'est autre que le Fantôme de l'opéra, a compris que son amour pour Christine ne serait jamais partagé. Si elle était fascinée par sa voix et son âme, elle ne peut qu'être horrifiée par ses traits, dont elle a découvert, en arrachant son masque, la hideur indescriptible. Il la retient donc prisonnière dans sa demeure souterraine. Raoul entreprend de la délivrer.[...]
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Écrit par
- Philippe DULAC : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure
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