LE FANTÔME DU PARADIS, film de Brian De Palma
Une parodie déjantée
Réalisé avec peu de moyens, monté avec brio, Phantom of the Paradise réussit à créer un tourbillon très séduisant. Tournée dans le style d'un roman-feuilleton « gothique », d'un serial, l'histoire s'inspire principalement – mais officieusement, faute pour la production de posséder les droits du livre – du roman français Le Fantôme de l'opéra (1910), de Gaston Leroux, si souvent porté à l'écran ou à la scène, mais aussi de l'histoire de Faust, ainsi que du Portrait de Dorian Gray (1891) d'Oscar Wilde, et d'un grand nombre de films (dont la scène de la douche de Psychose d'Hitchcock, 1960). De son côté, la musique de Paul Williams – interprète du diabolique Swan et authentique auteur, à la ville, de la musique qu'il est censé s'approprier dans le film – pastiche souvent les différents styles de rock cohabitant à l'époque ; rock rétro avec le groupe des Juicy Fruits, rock sauvage et satanique, à grande mise en scène, d'Alice Cooper (parodié par le personnage de « Beef »), rock symphonique des Who, contestataire des Rolling Stones, etc. Même si, trois décennies plus tard, certaines références musicales deviennent obscures à une partie de la jeune génération (le personnage de Swan, par exemple, apparaissait comme une parodie du producteur de rock Phil Spector), le film continue de séduire par son entrain, sa verve narrative et sa folie visuelle, avec des moyens simples comme l'emploi extravagant de l'objectif « grand angle », et par moments de l'écran divisé en deux, ou « split-screen », cher au réalisateur. On a souvent critiqué la musique habile de Paul Williams, qui n'a pas toujours l'énergie du rock, mais celle-ci porte bien le film (Williams écrira en 1976 la partition d'une étrange comédie musicale jouée par des enfants et parodiant les films de gangsters du début des années 1930, Bugsy Malone, d'Alan Parker).
En 1973, American Graffiti, de George Lucas, avait triomphé en évoquant avec nostalgie l'âge innocent du rockn'roll, par un « revival » des plus belles chansons des Platters, des Beach Boys..., tout en inventant ce qu'on peut appeler le film de disc-jockey, où les personnages baignent dans une programmation de radio qu'ils écoutent à moitié, mais qui guide leur destin. Deux ans après sortait discrètement, dans la même tendance parodique et « gothique » que l'œuvre de De Palma, The Rocky Horror Picture Show, de Jim Sharman, film à petit budget devenu le « cult-film » par excellence, dont la projection devient un rituel auquel se joint le public, qui reprend en synchronisme des dialogues, des chansons ou des actions. Mais l'opéra-rock, malgré ses quelques réussites, ne deviendra jamais un genre allant au-delà de sa propre parodie, tandis que le film de disc-jockey suscitera d'innombrables variations.
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Écrit par
- Michel CHION : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III
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