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LE FAUVISME OU L'ÉPREUVE DU FEU. ÉRUPTION DE LA MODERNITÉ EN EUROPE (exposition)

Le musée d'Art moderne de la Ville de Paris a poursuivi par une grande rétrospective consacrée au fauvisme l'ambitieuse politique d'expositions qu'il consacre depuis plusieurs années, à l'initiative de sa directrice, Suzanne Pagé, à l'histoire de l'art du xxe siècle. Intitulée Le Fauvisme ou « l'épreuve du feu ». Éruption de la modernité en Europe, cette manifestation a, durant les quatre mois de sa durée (du 29 octobre 1999 au 27 février 2000), remporté un grand succès public, succès mérité tant par le nombre et la qualité des œuvres réunies, qui occupaient à peu près tout l'espace disponible du musée, que par l'envergure et la profondeur du propos.

Le Fauvisme ou « l'épreuve du feu » était en réalité constitué de deux expositions qui, sans être distinctes, avaient chacune leur logique propre : la première était dévolue principalement aux artistes français. Centrée sur les années 1905-1907, elle se poursuivait cependant jusque vers 1910. Derain et Matisse, Van Dongen et Vlaminck, Dufy, Friesz, Braque et jusqu'à Metzinger et Delaunay étaient exposés. Venaient ensuite les « fauves d'Europe » (1905-1913), où étaient présentés, mais dans la perspective de leur rattachement au fauvisme, de nombreux peintres. D'abord les expressionnistes : Munch, les Allemands et les Russes de la Brücke (Kirchner, Schmidt-Rottluff, Heckel, Nolde) et du Blaue Reiter (Jawlensky, Münter, Marc, Kandinsky), mais aussi des Tchèques, des Hongrois, des Belges, des Suisses, des Écossais ou des Finlandais, le parcours s'achevant en Russie.

Cette masse considérable de peintures était fort clairement et intelligemment structurée autour des principaux centres du fauvisme : on ne peut que louer la présentation des œuvres et leur agencement logique et formel, aussi bien à l'intérieur de chaque salle que dans la continuité de l'exposition. Le plaisir du visiteur était multiple : celui d'abord de revoir des tableaux ou des ensembles bien connus, mais aussi celui de la découverte de peintres plus ou moins ignorés en France, au moins du grand public, leurs œuvres étant conservées surtout dans leur pays d'origine. Enfin celui de goûter tout simplement les œuvres, de se laisser emporter dans un déferlement de couleurs synonymes (à tort peut-être) de bonheur de vivre.

Mais le fauvisme ne s'est pas accompli sans douleur, comme le soulignait le sous-titre de l'exposition : l'épreuve du feu. Les artistes eux-mêmes sont passés par des phases de recherches stériles, de doute et de découragement. Matisse parla de « courage » pour « retrouver la pureté des moyens », de « l'anxiété dominante » que fut pour les fauves la simple question : « qu'est-ce que je veux ? ». Et la réception du public comme de la critique fut à la mesure de la nouveauté d'une peinture fondée sur l'usage arbitraire de la couleur, affranchie du dessin dans un « violent défi au réel et à la représentation » – un défi d'ailleurs relativement inorganisé, « le caractère exorbitant des œuvres, en l'absence de toute théorie, de tout concept, de toute stratégie intellectuelle affichée » tenant alors lieu de manifeste, pour reprendre les termes de Suzanne Pagé. D'où l'intérêt de présenter d'abord les œuvres, et ensuite, de réfléchir, à partir d'elles, en serrant au plus près la biographie des artistes concernés, à d'éventuelles influences, ou au contraire à des coïncidences qu'expliquerait, au moins en partie, le recours à des sources communes (l'art « primitif » ou l'art islamique par exemple). C'est là finalement le double apport de l'exposition : une nouvelle lecture des rapports entretenus entre les fauves français et les fauves d'Europe, au travers de leurs rencontres, et une réappréciation d'ensemble des uns et des autres, toujours dans un[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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