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LE FILS NATUREL, SUIVI DE ENTRETIENS SUR LE FILS NATUREL, Denis Diderot Fiche de lecture

« Il n'y a plus, à proprement parler, de spectacles publics. Quel rapport entre nos assemblées au théâtre dans les jours les plus nombreux, et celles du peuple d'Athènes ou de Rome ? » Parce qu'il n'y a plus d'assemblée civique, et pour « intéresser » l'homme éclairé du xviiie siècle, il faut un nouveau genre, plus proche de lui – c'est-à-dire « bourgeois ». Ce genre, qui n'a pas d'emblée de nom, et qui naît des décombres de la tragédie classique profondément modifiée par Voltaire ou récusée par un public plus sensible à la « comédie larmoyante », Diderot (1713-1784) le fonde, en 1757, dans un curieux objet dramatique : Le Fils naturel, suivi de ses trois Entretiens.

« Une espèce de roman »

Le Discours sur la poésie dramatique, qui théorisera en 1758 ce qui demeurait à l'état expérimental et improvisé l'année précédente, présente ainsi l'ensemble que forment Le Fils naturel et les Entretiens : « Mon dessein n'étant pas de donner cet ouvrage au théâtre, j'y joignis quelques idées sur la poétique, la musique, la déclamation, et la pantomime, et je formai du tout une espèce de roman que j'intitulai Le Fils naturel, ou les Épreuves de la vertu, avec l'histoire véritable de la pièce. » La pièce, en effet, est encadrée par un prologue et un épilogue qui rapportent, sur un mode pathétique et romanesque, les circonstances de la rédaction et de la représentation, données pour réelles.

Le philosophe, qui s'appelle « Moi » dans les Entretiens, rencontre à la campagne, où il est venu se reposer après la parution du sixième volume de l'Encyclopédie, le « sombre et mélancolique » Dorval : c'est le « fils naturel », auteur et personnage principal de la pièce commandée par son père Lysimond qui, se sentant près de mourir, a voulu que soit rejoué, en manière de commémoration privée, l'épisode fondateur de la famille : « Il ne s'agit point d'élever ici des tréteaux, mais de conserver la mémoire d'un événement qui nous touche et de le rendre comme il s'est passé. » Dorval s'est acquitté de sa dette envers son père, mais trop tard : « La pièce est faite... mais celui qui me l'a commandée n'est plus. »

Le dimanche suivant, le narrateur philosophe est invité à assister, caché dans un coin du salon, à la représentation, retranchée de la dernière scène. La pièce est de facture classique et régulière, mais l'intrigue en est « domestique et bourgeoise » : Dorval, dont la naissance est obscure, veut quitter la maison de Clairville où il a trouvé séjour, et ce malgré la considération et l'amour dont il y jouit uniment. C'est qu'il aime Rosalie, aimée de Clairville, dont la sœur, Constance, aime Dorval... L'annonce du retour du père de Rosalie, au terme d'un long périple, précipite les événements ; dans une scène centrale (IV, 3), Dorval révèle sa naissance illégitime à Constance, et se laisse convaincre par son appel à la sociabilité civique : « il n'y a que le méchant qui soit seul ». Rosalie, elle-même ramenée à la vertu par Dorval, épousera Clairville. Le retour de Lysimond entérine la victoire sur ces « épreuves de la vertu », en une scène de reconnaissance assurément théâtrale : père de Rosalie, il est aussi celui de Dorval ! L'amour que Rosalie avouait porter à Dorval (I, 2) ne « se trompait que de motif » comme le dira plus tard la Marcelline, du Mariage de Figaro ; lorsqu'elle aura reconnu Figaro pour son fils : la famille se fonde bien sur la négation de l'inceste. Mais « la pièce ne finit pas » : c'est que l'entrée en scène de Lysimond, interprété par un comédien, suscite trop d'émoi et contraint à interrompre la représentation. Dorval remet au philosophe[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, maître de conférences à l'université de Poitiers

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