LE FUTURISME À PARIS (exposition)
À Paris, le Centre Georges-Pompidou présentait, du 15 octobre 2008 au 26 janvier 2009, une exposition consacrée au Futurisme à Paris, significativement sous-titrée, d'après Mikhaïl Larionov, « une avant-garde explosive ». Elle se transportera ensuite à Rome (Scuderie al Quirinale) puis à Londres (Tate Modern).
Son objectif était de célébrer le centenaire de ce premier mouvement d'avant-garde du xxe siècle qui se fit connaître, sur le plan littéraire, par le manifeste de F. T. Marinetti, lancé à Paris dans Le Figaro le 20 février 1909. Elle proposait notamment la reconstitution quasi intégrale de la première exposition futuriste qui, à l'instigation de Félix Fénéon, eut lieu dans la capitale, à la Galerie Bernheim Jeune, en février 1912. La qualité plastique des œuvres présentées, la nouveauté des positions théoriques, la contribution majeure du mouvement à l'essor des avant-gardes sont désormais indiscutables. Les futuristes utilisèrent les ressources de la provocation et jouèrent de tous les registres expressifs, exaltant le monde moderne, la civilisation urbaine, les machines et la vitesse. Prétendant à un art total, ils ambitionnèrent de rapprocher l'art et la vie.
Le propos de l'exposition restait ambigu dans la mesure où il entendait réévaluer la place et le statut du futurisme, tel qu'il se présentait à Paris, tout en évoquant la réaction parisienne, souvent hostile, à ce mouvement nationaliste.
La démarche se voulait pourtant didactique et dialectique. Elle pourrait se résumer ainsi : les nouvelles théories scientifiques pénètrent le monde artistique, tant le pointillisme que le cubisme ; les futuristes font « exploser » la peinture tant par les couleurs que par les thèmes ; dans un troisième temps, il en résulte la tentative de synthèse opérée par la Section d'or et l'Orphisme (Apollinaire) qui regroupent Delaunay, Francis Picabia et Marcel Duchamp, dont les tableaux transportés à l'Armory Show de New York (1913) vont par la suite irradier l'avant-garde européenne. De cette synthèse participent les œuvres des cubofuturistes russes et celles des vorticistes anglais, en dialogue avec les Italiens.
La controverse, suscitée par le commissaire de l'exposition, Didier Ottinger, n'a pas manqué d'éclater. Ne prétendait-il pas que le cubisme représentait l'académisme, la tradition face au futurisme, au moment même où il demandait un réexamen dépourvu de toute passion ? Or, en réduisant l'exposition à la seule peinture (même si des livres étaient aussi montrés), il était loin de présenter la totalité que voulaient embrasser les futuristes. Ses catégories relevaient d'un découpage qui ramenait à l'habituelle opposition entre cubisme et futurisme. On soulignait aussi l'absence de l'Allemagne et de la Pologne, et enfin on reprochait à l'ensemble d'être trop sagement ordonné.
Plus radicalement, et en s'appuyant cette fois essentiellement sur les manifestes du mouvement, d'autres s'appliquèrent à réduire considérablement l'intérêt du futurisme. En France, les artistes qui ne lui avaient nullement prêté attention ne pouvaient donc avoir subi son influence. De même en Russie, où le cubofuturisme n'avait pas attendu la visite de Marinetti, d'ailleurs fort mal reçu, pour avancer dans le domaine artistique et littéraire. Et il est vrai que l'accueil parisien fut alors plus que réservé : de Gide et Claudel aux divers groupes artistiques, tous se gaussaient de la jactance de Marinetti. Quant à l'avant-garde européenne (dada, puis le surréalisme), elle lui fut rapidement hostile. Dans un tel contexte, même le ralliement d'Apollinaire restait suspect.
Cette exposition avait néanmoins le mérite de montrer des œuvres dignes d'être reconsidérées. On reste ébloui par cet extraordinaire[...]
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Écrit par
- Henri BEHAR : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, fondateur du centre de recherches sur le surréalisme (université Paris-III, C.N.R.S.)
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