LE GARÇON ET LE HÉRON (Miyazaki Hayao)
En 2013, Miyazaki Hayao annonçait que son onzième film d’animation, Le vent se lève, serait son dernier. Long-métrage splendide et d’une grande complexité, comme dix ans plus tard Le Garçon et le Héron (2023). Pour ses admirateurs du monde entier, mais aussi pour l’histoire du cinéma, Miyazaki est donc revenu à la création cinématographique, à quatre-vingt-deux ans.
Une initiation
Le Garçon et le Héron est sorti au Japon, en juillet 2023, sans aucune promotion, sans avoir été montré nulle part, ni en avant-première, ni dans aucun festival de cinéma. Pas de bande-annonce, un titre et une image très partielle furent les seuls indices précédant cette sortie triomphale au Japon, avec des recettes qui ont dépassé les 11 millions de dollars lors de son seul premier week-end. Le lancement en France, en novembre 2023, a aussi constitué un succès exceptionnel.
Le titre japonais (Kimi-tachi wa dō ikiru ka) reprend celui d’un roman de Yoshino Genzaburō (1899-1981), Et vous, comment vivrez-vous ?, paru en 1937 et publié en français en 2021 (éditions Picquier). De ce récit constamment réédité au Japon, Miyazaki ne conserve que l’idée de l’initiation d’un jeune garçon orphelin de mère. Faire feu de tout bois, partir d’œuvres littéraires pour s’en éloigner et nourrir une production totalement originale caractérisent la créativité singulière du cinéaste. Il s’agit pour lui d’inventer un monde, de se faire l’artisan d’images, de récits, de fantaisies proprement inouïes. Cette inventivité explique l’aspect mystérieux, plus encore que d’habitude, du Garçon et le Héron.
Même s’il ressemble à un cauchemar, le début du film est réaliste : Mahito, un jeune garçon âgé de onze ans, perd sa mère dans l’incendie de l’hôpital où elle se trouvait. Il déménage à la campagne avec son père, après le remariage de celui-ci – ce qu’on comprendra au fur et à mesure du déroulement du film – avec la sœur de la défunte. Le père de Mahito dirige une entreprise d’aéronautique, la Seconde Guerre mondiale est en cours, ce qui fait écho à des éléments autobiographiques, comme fréquemment dans l’œuvre du réalisateur. Son père était, en effet, à la tête de la société Miyazaki Airplane ; sa mère, souvent absente, était régulièrement hospitalisée pour soigner une tuberculose. Quant à l’incendie violent sur lequel s’ouvre le film, il évoque un bombardement, souvenir traumatique de l’enfant Miyazaki en 1944-1945. L’arrivée dans la nouvelle demeure ouvre la voie au fantastique : malheureux du remariage de son père, méfiant envers sa « nouvelle mère » qui de plus est enceinte, le garçon va suivre un héron antipathique au cœur d’une tour ancienne, monument difficilement accessible qui trône dans le jardin de la maison. Dans le corps du héron est dissimulé une sorte de gnome assez repoussant, quasi obscène. Il fait partie de cette galerie d’individus créés par Miyazaki dont on ne sait jamais s’ils sont bons ou mauvais, ou plutôt qui présentent successivement des visages différents, comme cette « marâtre » que Mahito apprendra à aimer et même à protéger.
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média