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LE GRAND INCENDIE DE LONDRES, Jacques Roubaud Fiche de lecture

La pluralité des mondes

La spécificité du Grand Incendie de Londres tient à sa genèse. Il est écrit en une fois, sans repentir, directement sur l'écran de l'ordinateur. Il naît entre nuit et jour, entre rêve et veille, et sans plan établi. Jacques Roubaud offre ainsi un récit aux multiples incises et bifurcations, héritant du modèle médiéval du Lancelot en prose. Le récit devient « jardin aux sentiers qui bifurquent » (pour reprendre le titre d'une nouvelle de Borges). Il prolifère et se déploie sur plusieurs plans. Des insertions viennent rompre le continuum du texte et suivent le jeu des associations. Ce sont ainsi autant de mondes possibles de prose que le lecteur explore à la suite du narrateur.

Cette présentation formelle pourrait laisser croire à une œuvre difficile. Il n'en est rien. Le Grand Incendie de Londres est une œuvre pénétrée par la matérialité du monde, les travaux et les jours, baignant dans une poétique de la ville (Paris, Londres) et dans la lumière provençale. C'est une tapisserie d'images et de moments en prose, où l'humour roubaldien voisine avec son amour des paradoxes. L'ensemble, gouvernée par le rythme, est éminemment musical. La sextine, forme poétique mise à l'honneur par les troubadours, organise les six branches de l'œuvre ainsi que les déplacements et les répétitions de motifs. Car l'écriture de cet ensemble reste gouvernée par des contraintes oulipiennes, dont plusieurs sont connues, comme la série des nombres de Queneau ou les dix styles de la poésie japonaise.

Composition inédite en prose, Le Grand Incendie de Londres s'écrit aussi en miroir d'une tradition narrative qui emprunte aussi bien aux enfances médiévales du récit, qu'au roman classique du xixe siècle et aux littératures anglaises ou japonaises. Elle renoue ainsi avec les origines du récit et du roman, en les mettant en relation avec ce que l'on nomme aujourd'hui les hypertextes.

— Jean-Didier WAGNEUR

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  • ROUBAUD JACQUES (1932- )

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    • 2 519 mots
    Ce qui se trouve de la sorte engagé, c'est l'existence entière sous tous ses aspects, dans toute sa complexité et son imprévisibilité. L'entreprise de fiction autobiographique – d'autant plus « vraie » qu'elle s'affirme évidemment fictive, puisque tout récit est en fait au présent – que constituent...