LE HUSSARD SUR LE TOIT, Jean Giono Fiche de lecture
C'est en 1946 que Jean Giono (1895-1970) entreprend Le Hussard sur le toit. Mais des pannes d'écriture le forcent à en interrompre à deux reprises la rédaction. Six autres de ses romans voient le jour avant qu'il n'en achève l'écriture. La publication, en 1951, met un terme aux vicissitudes que l'auteur rencontrait depuis la Libération et qui avaient fait décliner son renom. D'emblée, Le Hussard obtient la reconnaissance de la critique et l'audience du grand public : 50 000 exemplaires sont vendus en un an. Il demeure le roman le plus célèbre de Giono et, à ce titre, a fait l'objet, en 1995, d'une adaptation cinématographique due à Jean-Paul Rappeneau.
Le mal obscur
Ce succès s'explique aisément. D'abord, parce qu'il décrit les ravages d'une épidémie de choléra dans la France du xixe siècle, ce roman d'apocalypse, à l'instar de La Peste de Camus, paru quatre ans plus tôt, possède un impact émotif évident : « Comment, dit le jeune homme, vous ne savez pas ? Mais d'où venez-vous ? C'est le choléra morbus, mon vieux. C'est le plus beau débarquement de choléra asiatique qu'on ait jamais vu ! ». Ensuite, contrairement à ses récits complexes et touffus d'avant-guerre, Giono adopte ici une technique narrative très sobre. Pas de télescopage des temps et des époques, mais la stricte succession des événements ; Le Hussard est une chronique. Pas d'intrigue fourmillante, mais une unité de temps, de lieu et d'action : une épidémie en Haute-Provence durant un été des années 1830. Pas de points de vue multiples sur l'action, mais un regard unique : tout ou presque est relaté, perçu ou deviné par Angelo, personnage central, constamment sur le devant de la scène.
À la fois témoin et acteur, Angelo ne se présente pas au lecteur. C'est par bribes que le récit fournit quelques indications qui permettent de retracer sommairement son histoire. Fils naturel de la duchesse Pardi, c'est un soldat de métier qui a acheté son brevet de hussard. Âgé de vingt-cinq ans, mêlé à des complots politiques, il a tué en duel un baron autrichien et dû fuir l'Italie pour la France. Il arrive en Provence au moment où, par une exceptionnelle canicule, s'abat l'épidémie de choléra. Traversant un hameau jonché de cadavres monstrueux, il rencontre un jeune médecin qui lui explique la nature du fléau avant d'y succomber.
Angelo poursuit sa route, en veillant à échapper aux patrouilles qui arrêtent les voyageurs pour les mettre en quarantaine. Parvenu à Manosque, il est accusé d'avoir empoisonné une fontaine où il s'est abreuvé. Échappant de peu à un lynchage, il se réfugie sur les toits de la ville – d'où le titre du roman. Après s'y être caché, il entre dans une maison où une jeune femme, Pauline de Théus, l'héberge, puis il aide une vieille nonne à laver les morts abandonnés.
Sortant de la ville, il campe dans les collines voisines où il retrouve Giuseppe, son frère de lait. Ils décident de rentrer en Italie, chacun de leur côté, afin d'œuvrer pour le bonheur de l'humanité. En chemin, Angelo croise Pauline qui tente de regagner le château de son mari. Ils font alors route ensemble et rivalisent de bravoure, repoussant des brigands, s'échappant de la forteresse où ils ont été enfermés. Mais Pauline est atteinte par le choléra. Angelo lutte toute une nuit pour faire refluer le mal et la sauve. L'ayant raccompagnée à Théus, il retourne chez lui : « L'Italie était là derrière. Il était au comble du bonheur. »
Angelo est un des personnages les plus attachants qu'ait créés Giono. Ce dernier a d'ailleurs fait de ce lointain cousin des héros de Stendhal la figure centrale de deux autres romans, Angelo (1958) et Le Bonheur fou (1957), qui composent[...]
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Écrit par
- Philippe DULAC : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure
Classification
Autres références
-
GIONO JEAN (1895-1970)
- Écrit par Laurent FOURCAUT
- 6 207 mots
Le problème s'aggrave dans Le Hussard sur le toit (écrit de 1946 à 1951). Le choléra qui ravage la Provence appelle une lecture plurielle. Il est d'abord l'insoutenable incandescence d'un monde qui dévore les formes (« les splendeurs barbares du terrible été »). Mais comme il est aussi la peur,...