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LE JEU DES OMBRES (mise en scène J. Bellorini)

Olivier Py, directeur du festival d’Avignon, dont la 74e édition fut annulée en juillet 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, a réuni le public à l’automne pour « Une semaine d’art en Avignon », reprenant ainsi l’appellation originelle créée par Jean Vilar. La manifestation, écourtée par le deuxième confinement, s’est tenue du 23 au 28 octobre. Lors de ces rencontres, six spectacles exigeants et de toutes disciplines, sur les quarante-sept initialement programmés pour le festival 2020, ont ainsi pu être donnés : Traces du Sénégalais Felwine Sarr, voyage initiatique du conteur burkinabé Étienne Minoungou ; Mellizo Doble, flamenco distancié et décalé par le danseur Israel Galván et le musicien Niño de Elche ; Le Tambour de soie, nō moderne par la danseuse Kaori Ito et le comédien Yoshi Oïda ; Une cérémonie, cabaret loufoque des Belges du Raoul collectif  ; Andromaque à l’infini, d’après Racine, dans une mise en scène de Gwenaël Morin ; Le Jeu des ombres, mis en scène par Bellorini.

<em>Le Jeu des ombres</em>, V. Novarina, mise en scène de J. Bellorini - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Bridgeman

Le Jeu des ombres, V. Novarina, mise en scène de J. Bellorini

Conçu initialement pour la cour d’honneur du Palais des papes mais présenté à la FabricA, salle ouverte depuis 2013, Le Jeu des ombresrépond à la thématique confiée aux artistes du festival d’Avignon 2020, à savoir conflit entre Éros et Thanatos, pulsion de vie et pulsion de mort. Cette pièce de Valère Novarina est portée à la scène par Jean Bellorini, directeur, depuis janvier 2020, du Théâtre national populaire de Villeurbanne.

Jean Bellorini privilégie un théâtre populaire, allègre et poétique, explorant les œuvres de Victor Hugo, Rabelais, Dostoïevski ou Marcel Proust. Le Jeu des ombres est une plongée festive dans la langue exubérante de Novarina. En 2008, collaborant avec Marie Ballet, le metteur en scène avait adapté un acte de L’Opérette imaginaire de cet auteur pour un rendez-vous enchanteur où la musique, là aussi, avait sa part. Cette fois, après avoir confié à l’auteur une réécriture théâtrale du mythe d’Orphée et Eurydice, il n’en a transposé que les moments qui entrent en résonance avec l’Orfeode Monteverdi, opéra baroque dont le sujet est tiré des Métamorphoses d’Ovide, tout en privilégiant pour le spectacle la forme du théâtre forain.

Sur les traces d’Orphée

Le livre des Métamorphoses en main, la narratrice – Hélène Patarot – ouvre ce voyage initiatique. La Messagère – Anke Engelsmann, du Berliner Ensemble – apparaît à l’avant-scène, annonçant la mort d’Eurydice mordue par un serpent le jour de ses fiançailles, puis la descente aux Enfers d’Orphée venu libérer celle qu’il aime, avant de la perdre une seconde fois. Dansante et moqueuse, la gardienne de ces lieux obscurs accueille ses invités étranges surgis du dessous des plateaux et revenant des Enfers pour jouer leurs souvenirs. Dans cette pièce polyphonique, ces figures du « drame de la vie » vont dire les raisons de leur amour existentiel à travers mots et morts – les êtres aimés dont nous sommes faits. La phrase initiale souligne cette impulsion : « Le premier instant dure toujours. »

Organique et musicale, la langue de Novarina, dialogue avec les grands airs de l’Orfeo. Les genres et les époques se mêlent, rappelant que seuls l’amour et l’art échappent à la mort. La frénésie de dire et de dénommer se plie à la loi de la métamorphose jusqu’au dernier souffle. On entre dans le jeu déterminé, énergique et rythmé de l’acteur, une matière vivante sur le plateau, avec d’un côté, la déclinaison de listes d’oiseaux et de plantes sauvages vivant sur terre (éloge de la nature et de ses réalités qui, nommées, éveillent l’imaginaire) et de l’autre, une multitude d’échanges verbaux, monologues et visions philosophiques sur l’existence.

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<em>Le Jeu des ombres</em>, V. Novarina, mise en scène de J. Bellorini - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Bridgeman

Le Jeu des ombres, V. Novarina, mise en scène de J. Bellorini