LE JEUNE CLAUDE ou CLAUDIN (1528 env.-1600)
Le plus brillant musicien français du groupe lié à l'Académie de poésie et de musique que fonda Baïf ; surnommé « le phénix des musiciens », c'est un des grands noms de la musique de la Réforme en France, avec Goudimel, et son œuvre est la plus importante du répertoire français de la Renaissance. Ses premières compositions (quatre chansons) sont publiées à Louvain, chez Phalèse, en 1554 ; a-t-il résidé dans le nord de la France ? Probablement. Il se fixe à Paris en 1564, sous la protection de deux seigneurs huguenots, François de La Noue et Charles de Téligny, auxquels il dédie Dix Pseaumes de David en forme de motets (chez Le Roy et Ballard, à Paris, en 1564). Dès qu'elle est fondée par Jean Antoine de Baïf et Joachim Thibault de Courville, il entre à l'Académie, où il défend les principes de la musique mesurée. Avant 1582, il est au service de François, duc d'Anjou, frère de Henri III. C'est à Anvers, où il suivit peut-être ce prince, que paraît d'abord le Livre des meslanges (1585), composé de chansons et de motets. On trouve aussi sa trace à Paris en 1581, lors des fêtes données à la cour à l'occasion du mariage du duc de Joyeuse avec Marie de Lorraine (ballet Cérès). Après la mort du duc d'Anjou (1584), il sert vraisemblablement des nobles protestants, le duc de Bouillon, vicomte de Turenne ; Odet de La Noue ; Louise de Nassau, duchesse de Bavière. Pendant le siège de Paris (1590), il écrit une « confession de foy » hostile à la Ligue, et son ami catholique, le musicien Jacques Mauduit, l'aide à s'enfuir tout en sauvant ses manuscrits ainsi que ceux de Baïf. Il se réfugie à La Rochelle ; Henri IV le nomme, en 1595, « compositeur de la chambre du roi ». Deux ans avant sa mort, il est encore dans cette ville.
Aucun compositeur français de son époque n'a abordé autant de genres différents que Le Jeune (347 psaumes, 11 motets, 38 chansons sacrées, 66 chansons profanes, 146 airs. 43 madrigaux italiens, 3 fantaisies instrumentales et même une messe). La plupart de ces œuvres furent publiées après sa mort, par sa sœur Cécile et sa nièce Judith Mardo. On le considère comme le rival de Lassus, et sa renommée fut internationale. « Jamais l'austérité de la pensée et du cœur n'a su se manifester sous des dehors aussi aimables et avec une plus totale absence d'ostentation [...]. L'expression, chez Le Jeune, n'a pas cette raideur et cette contention, d'ailleurs empreinte de noblesse, qu'on trouve chez un Goudimel : elle a toujours un accent de vivacité, de justesse, de fraîcheur ingénue qui ravit » (R. Bernard). Dans les chansons, il emploie des valeurs plus courtes que celles qu'on utilisait avant lui, une rythmique plus libre ; la succession binaire-ternaire, pratiquée couramment au début du siècle, disparaît. Le genre traditionnel de la chanson polyphonique a ainsi éclaté sous les coups portés par les tenants de la musique mesurée. Dans Le Printemps (publié en 1603) et dans les Airs (1594, publié en 1608), l'attraction vers le majeur et le mineur apparaît nettement, bien que Le Jeune se montre plus modal que certains compositeurs de son temps. Il faut mettre à part les Octonaires de la vanité et inconstance du monde (à trois et quatre voix, publié en 1606), en raison de l'aspect didactique de cette œuvre ; en effet, les poèmes sont groupés en douze triptyques, chacun correspondant aux douze modes du système musical d'alors. On pourrait comparer une telle composition spéculative et synthétique à celle du Clavier bien tempéré de Bach ; Le Jeune résume l'apport du système modal parvenu à son apogée ; s'il y a chromatisme, il s'intègre dans le diatonisme, lequel est ici traité avec une puissance d'invention étonnante. Ses Pseaumes (de deux à huit voix), sur des[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
Classification
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