LE LIVRE DE LA JUNGLE, Rudyard Kipling Fiche de lecture
Une apologie de la loi et de l'ordre
Le Livre de la jungle est un récit à entrées multiples. Il peut être envisagé comme une description imagée et poétique de l'Angleterre victorienne, et de son souci du respect de l'ordre et de la hiérarchie. Mowgli, enfant, est amené un jour, de par sa nature d'homme, à dominer les animaux. Mais auparavant, il doit tout d'abord obéir, recevoir la formation qui le rendra capable de surmonter sa faiblesse : « C'était là que Mowgli venait tous les soirs, à la recherche d'un peu de fraîcheur et de compagnie. Le plus affamé de ses ennemis aurait alors fait bien peu de cas du jeune garçon. » C'est donc un roman d'apprentissage, tissé avec les légendes de la jungle, entrecoupé de récits colorés : « Le Phoque blanc », « Rikki-Tikki-Tavi », « Toomai des éléphants ». Apprentissage d'un monde, où, paradoxalement, la loi est omniprésente ; la panthère Bagheera reproche ainsi durement à Mowgli de fréquenter les singes : « Tu as frayé avec le peuple singe [...] les singes gris [...] le peuple sans loi, mangeur de tout. C'est une grande honte. »
Dans le récit destiné aux enfants, où les animaux parlent, où la poésie donne plus de force encore aux mystères de la jungle épaisse et animée, Kipling se fait également le chantre de l'aventure impériale, et de l'ordre britannique qui vient imposer un cadre de civilisation nouveau à l'Inde. Pour Kipling, le colonialisme est une vertu, incarnée dans la personne du vice-roi, sommet d'une hiérarchie soigneusement élaborée : « Mulet, cheval, éléphant, bœuf, chacun obéit à son conducteur, le conducteur à son sergent, le sergent à son lieutenant, le lieutenant à son capitaine, le capitaine à son commandant, le commandant à son colonel, le colonel à son brigadier avec ses trois régiments, le brigadier à son général, qui obéit au vice-roi, qui est le serviteur de l'impératrice. Et voilà. » En dépit de cette apparence monolithique, Le Livre de la jungle a aussi pour décor une société anglo-indienne bientôt amenée à disparaître, ce qui lui donne le charme discret d'un monde désuet sur le point de s'effacer. Paradoxalement, l'ouvrage – ce qui explique peut-être en partie son succès – nous parle avant tout, au-delà de la mise en scène du monde des animaux, de la solidarité humaine, hors de laquelle toute société véritable est impossible.
Parmi les adaptations auxquelles le livre a donné lieu, signalons celle de Zoltan Korda, en 1942, avec Sabu dans le rôle de Mowgli.
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Écrit par
- Jean-François PÉPIN : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur au lycée Jean-Monnet, Franconville
Classification
Média