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LE LIVRE DE PEINTURE, Karel Van Mander Fiche de lecture

Premier ouvrage théorique et historique de grande envergure de la littérature artistique au nord des Alpes, Le Livre de peinture de Karel van Mander (1548-1606) est écrit à une époque très difficile pour les Flandres, alors traversées par des troubles politiques et religieux d'une extrême violence. Ce n'est pas le seul souci rhétorique qui guide l'auteur lorsqu'il déclare travailler pour la gloire des « génies » de sa patrie, et non pour les faits d'armes et les « destructeurs d'hommes ».

Né catholique dans les Flandres espagnoles, Van Mander mourra converti à Amsterdam, terre protestante. Il étudie d'abord à Tielt et à Gand, puis entre en 1564 dans l'atelier du peintre réformé Lucas de Heere, figure importante de l'humanisme gandois, obligé de fuir la ville en 1566, lors de la révolte calviniste et de ses vagues iconoclastes. Dans son ouvrage, Van Mander se souvient encore avec horreur de cette époque « où l'art fut détruit par les mains barbares et infâmes d'ignorants ».

Il poursuit sa formation, devient membre actif de la chambre de rhétorique à Courtrai, écrit des pièces de théâtre, traduit de la poésie latine. Puis il se rend en Italie, sur les traces de bien des romanistes : à Florence d'abord, en 1573-1574, où il rencontre Vasari peu avant sa mort (1574), à Rome ensuite, « ville célèbre et séductrice, tant ornée d'œuvres d'art qu'on la dirait créée pour les peintres », où il séjourne jusqu'en 1577. On le trouve ensuite à Vienne, au service de Rodolphe II, au côté du peintre Bartholomaeus Spranger, qui l'influence profondément. De retour en Flandre en 1578, il trouve un pays dévasté par la peste et les guerres civiles. Il peint à Bruges, s'installe à Haarlem où il se lie d'amitié avec Cornelis Cornelisz et Hendrick Goltzius. Mais surtout, il travaille à son Livre de peinture, dont il achève la rédaction après s'être installé à Amsterdam, en 1604, et qu'il publie à Haarlem le 1er décembre de la même année.

« Ô Pictura, noble art... »

L'ouvrage de Van Mander, dont le succès fut instantané et durable, présente une composition complexe. Après la Dédicace et l'Avant-Propos, il débute par un long poème didactique sur le fondement de l'art de la peinture. Suivent trois livres : une histoire de l'art antique, utilisant principalement, mais de manière critique, Pline l'Ancien et Athénée ; une Vie des peintres italiens modernes, tirée pour la majeure partie des Vite de Giorgio Vasari, mais avec des observations personnelles non négligeables ; enfin la partie la plus riche et la plus novatrice, les Vies des plus illustres peintres des Pays-Bas et d'Allemagne, depuis les Van Eyck jusqu'à Martin de Vos pour les artistes disparus, de Vredeman de Vries à David Vinckeboons pour les artistes alors actifs. Rien de comparable n'avait été entrepris jusque-là pour les peintres du Nord des Alpes, à part quelques écrits poétiques et historiques d'envergure limitée, que Van Mander connaissait tous : les Vite de Vasari notamment ; la Descrittione di tutti Paesi Bassi, de Lodovico Guicciardini (1567) ; les écrits de Marcus van Vaernewijck ; les vers sur les peintres célèbres de Lucas de Heere, son maître. Deux développements closent l'ouvrage, dévoilant la pensée de l'auteur sur les mythes dans l'art et sur l'art antique : une explication des Métamorphoses d'Ovide et une Description des statues antiques.

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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