LE LIVRE DE PHOTOGRAPHIES : UNE HISTOIRE (M. Parr et G. Badger)
Le statut du livre de photographies ne peut être défini que si l'on se rend attentif aux multiples formes, genres et usages de publications qu'une infinie diversité recouvre. On peut alors distinguer les ouvrages de photographie appliquée (techniques, scientifiques), tels que les ouvrages de topographie ou de médecine, les ouvrages de voyage ou de reportage, ou encore les ouvrages littéraires associant les mots et les images – sans oublier les ouvrages d'auteurs photographes qui se présentent, en eux-mêmes, comme le résultat d'une intention artistique. Que dire encore des livres de commande, de propagande, des ouvrages documentaires, de publications expérimentales à vocation parfois didactique, comme celles des avant-gardes des années 1920-1930 ? Quelle histoire pourrait regrouper une telle diversité d'enjeux éditoriaux, d'engagements esthétiques, de paris techniques ? La question est au fond la suivante : existe-t-il une histoire propre au livre de photographies ? Peut-on repérer des modes et des courants à travers l'histoire, identifier des projets qui se seraient inspirés d'expériences passées ou bien auraient décidé de rivaliser, commercialement ou esthétiquement, avec des livres contemporains ?
Un tel projet n'était pas, semble-t-il, celui de l'ouvrage imposant et magnifiquement édité intitulé Le Livre de photographies : une histoire, vol. 1, de Martin Parr et Gerry Badger (trad. de l'anglais par V. de Bermond-Gettle et A.-M. Térel, Phaidon, Paris, 2005). L'objet n'en est pas moins remarquable. Il faut tout d'abord insister sur le fait qu'un tel livre, quel que soit l'événement qu'il constitue, participe d'un courant amorcé au tournant des années 1990-2000, dont témoignent au moins deux importants catalogues d'expositions : Kiosk (2001), consacré par le Museum Ludwig de Cologne à une histoire du photojournalisme à travers la présentation de périodiques illustrés, et plus encore Fotografíapública. Photography in Print 1919-1939, du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia à Madrid (éd. Aldeasa, 1999), présentant une histoire de la photographie à travers l'édition du livre et du périodique.
Ces catalogues sont d'une facture que l'on retrouve dans Le Livre de photographies, soit une présentation mettant, par la reproduction de l'objet livre lui-même, l'accent sur la réalité physique de l'œuvre éditoriale, la saveur de ses impressions, la singularité de ses teintes et de sa typographie, le relief de son volume. L'ouvrage surclasse d'ailleurs toute autre entreprise par le degré de qualité atteint dans la reproduction des livres, l'impression avec un vernis sélectif leur donnant le caractère précieux que les auteurs souhaitaient probablement leur conférer.
Ce luxe a aussi un sens, puisqu'il s'agit bien ici, sous couvert d'histoire, de réaliser le catalogue d'une collection : celle du célèbre photographe anglais de l'agence Magnum Martin Parr (né en 1952 à Epsom), érigée ici en corpus représentatif d'une histoire. Comme dans les catalogues de vente les plus prestigieux, les livres sont parfaitement décrits et présentés, l'attention toujours attirée sur l'originalité du propos et son inscription dans l'histoire. Que ce livre, d'abord dans sa version anglaise, soit déjà devenu l'outil de référence des libraires spécialisés comme des collectionneurs en herbe n'étonnera donc pas.
Il faut néanmoins rendre justice à la proposition historique de l'ouvrage. Car il ne s'agit pas simplement d'un inventaire de chefs-d'œuvre de l'édition ou de curiosités. Chaque chapitre propose une introduction, toujours judicieuse, permettant de réinscrire le genre ou l'époque concernée dans l'histoire de la photographie. Car, à vrai dire, l'ouvrage repose sur[...]
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Écrit par
- Michel POIVERT : maître de conférences, docteur en histoire de l'art
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