LE MARIAGE DE MARIA BRAUN, film de Rainer Werner Fassbinder

La carrière de Rainer Werner Fassbinder (1945-1982) a été aussi productive que fulgurante. De 1965 à sa mort brutale, à l'âge de trente-sept ans, il réalise plus de quarante films dont certains sont très longs (les treize épisodes de Berlin Alexanderplatz réalisés en 1980, pour la télévision, d'après le roman d'Alfred Döblin). Il a, de plus, écrit et mis en scène des pièces de théâtre. Sa fécondité artistique est donc exceptionnelle, d'autant que toutes ses œuvres restent attachantes et toujours passionnantes. Il débute en 1965 par des courts-métrages – Le Clochard (Der Stadtstreicher) et Le Petit Chaos (Das Kleine Chaos, 1966) – avant de rejoindre la troupe de l'Action Theater de Munich où il rencontre Irm Hermann, Hanna Schygulla, Peer Raben et Kurt Raab. Ses premiers longs-métrages datent de 1969 : L'amour est plus froid que la mort (Liebe ist kälter als der Tod) et Les Dieux de la peste (Götter der Pest) sont des variations sur le film « noir », Katzelmacher aborde le comportement petit-bourgeois face à l'immigré. L'année suivante, il tourne sept films pour le cinéma et la télévision. Il travaille très vite, avec des budgets réduits, à l'exemple de Jean-Luc Godard qui est son modèle principal. À partir de 1977, ses budgets sont plus importants. Ses films des années 1970 le font connaître à l'étranger : Le Marchand des quatre saisons (Der Händler der vier Jahreszeiten, 1971), Tous les autres s'appellent Ali (Angst essen Seele auf, 1973) où il décrit les amours scandaleuses entre une femme allemande d'un certain âge et un jeune Turc sur fond de racisme ordinaire de l'Allemagne de Willy Brandt. Le Mariage de Maria Braun (Die Ehe Der Maria Braun) est un film clé, et une synthèse de ses films de ces années-là. Il s'inscrit dans la série que Fassbinder consacre à l'histoire de l'Allemagne avec Lili Marleen (1980), Lola, une femme allemande (Lola, 1981) et Le Secret de Véronika Voss (Die Sehnsucht der Veronika Voss, 1982). Hanna Schygulla obtient alors le prix d'interprétation féminine au festival de Berlin pour le rôle de Maria Braun, mais Fassbinder sera très déçu de ne pas remporter l'ours d'or, alors qu'il tenait particulièrement à ce film.

Une femme de tête

Hermann Braun épouse Maria en 1943 à Berlin sous les bombes alliées. Le maire leur fait signer le registre alors qu'ils sont allongés au sol, dehors. Hermann repart au front après une seule nuit avec sa femme. Deux ans plus tard, après la défaite du Reich, Maria survit avec sa mère et son grand-père dans les ruines de Berlin. Elle recherche son mari à l'arrivée des trains pendant que les haut-parleurs égrènent le nom des soldats disparus. Maria reste persuadée qu'Hermann reviendra, même lorsque Willi, le mari de son amie Betti, lui annonce sa mort.

Maria se fait engager comme entraîneuse dans un bar pour soldats américains. Elle devient la maîtresse d'un soldat afro-américain assez corpulent, se retrouve enceinte de lui, mais perd son enfant. Hermann revient et surprend les amants. Maria tue Bill, l'occupant américain, en l'assommant avec une bouteille. Au procès, Hermann s'accuse du meurtre et est emprisonné. Maria rencontre dans un train un riche industriel, Karl Oswald, qui devient rapidement son amant et son patron. Maria exploite l'amour que lui porte Oswald avec un certain cynisme. Elle refuse de l'épouser en lui indiquant qu'elle est déjà mariée. Oswald fait la connaissance d'Hermann en allant le voir en prison. Maria intervient dans la vie économique de l'entreprise d'Oswald qui connaît un développement spectaculaire. Oswald, malade, meurt brutalement après avoir fait de Maria et de son mari ses héritiers. Maria s'installe alors dans une luxueuse maison, mais son ascension sociale est de courte durée car, alors qu'elle a allumé une cigarette avec le gaz de la cuisinière,[...]