LE MENTEUR (P. Corneille) Fiche de lecture
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Le Menteur, comédie en cinq actes et en vers, est la treizième pièce de Pierre Corneille (1606-1684). Créée à la fin de l’année 1643 au Théâtre du Marais à Paris, elle est publiée en 1644. Au début de sa carrière, Corneille s’est fait connaître par des comédies qui ont renouvelé le genre ; mais le triomphe du Cid (1637) et les débats suscités par cette pièce l’ont incité à se spécialiser dans le genre sérieux de la tragédie. Il revient ici à la comédie pour montrer la variété de son talent, mais aussi pour mettre en valeur un acteur spécialisé dans les rôles de valet naïf, Jodelet, récemment entré dans la troupe du Marais.
Si les sujets de ses premières comédies étaient originaux, Corneille s’inspire ici d’une comedia espagnole, La verdadsospechosa(La Vérité suspecte). Il la croit du grand dramaturge Lope de Vega, mais découvrira plus tard qu’elle est en fait l’œuvre d’un auteur moins connu, Juan Ruiz de Alarcón (env. 1580-1639). Il en « dépayse le sujet », transposant l’action et les personnages dans le Paris à la mode des années 1640, aux Tuileries et sur la place Royale (l’actuelle place des Vosges, qui lui avait inspiré une précédente comédie, La Place Royale). De son modèle, il ne conserve que l’essentiel : l’intrigue amoureuse fondée sur un quiproquo, et l’accumulation des mensonges du héros avec leurs conséquences. Ces ressorts comiques lui permettent de jouer en virtuose sur l’illusion et les faux-semblants, suivant une esthétique « baroque » qui caractérisait déjà L’Illusion comique (1636).
Les jeux de l’amour et du paraître
Acte I
Dorante, jeune gentilhomme, revient à Paris après avoir étudié le droit à Poitiers ; mais, pour réussir au « pays du beau monde et des galanteries », mieux vaut embellir cette réalité prosaïque. Afin de séduire une jeune femme qui se promène avec sa cousine, il prétend revenir des « guerres d’Allemagne » et s’invente des exploits guerriers. Son valet Cliton apprend que les jeunes femmes se nomment Clarice et Lucrèce ; mais, par une méprise qui ne sera levée qu’à la fin de la pièce, Dorante croit courtiser Lucrèce, alors qu’il s’agit de Clarice. Dorante rencontre ensuite un jeune homme, Alcippe, devant qui il se vante d’avoir donné à sa belle un festin somptueux : il ignore qu’Alcippe est le prétendant de Clarice.
Acte II
Géronte, le père de Dorante, lui annonce qu’il veut le marier à la fille d’un ami : Clarice ! Heureuse coïncidence – sauf que le Menteur ne sait pas qu’il s’agit de la jeune femme dont il est tombé amoureux… Pour rester libre de courtiser « Lucrèce », il cherche donc à échapper à ce mariage arrangé en faisant croire à Géronte qu’il s’est déjà marié à Poitiers dans des circonstances abracadabrantes.
Acte III
Dorante échappe à un duel avec le jaloux Alcippe ; le mensonge du festin est éventé. Clarice découvre que le fils de Géronte est l’inconnu des Tuileries : le mensonge des prouesses militaires est éventé à son tour ; elle apprend aussi que Dorante serait déjà marié ! À la nuit tombée, Dorante a un entretien sous la fenêtre de Lucrèce, mais parle à Clarice, cachée derrière celle-ci : le quiproquo se poursuit, Dorante avouant avoir inventé son mariage pour se garder à « Lucrèce », ce qui met Clarice en fureur, mais attache secrètement sa cousine au Menteur.
Acte IV
Au matin, Géronte insiste pour que son fils fasse venir sa femme à Paris : Dorante prétexte qu’elle est enceinte et ne peut voyager, mais il se coupe dans ses mensonges.
Acte V
Géronte finit par découvrir l’imposture du mariage : Dorante lui avoue avoir affabulé par amour pour « Lucrèce » ; Géronte pardonne, et s’en va demander celle-ci en mariage pour son fils. Mais Dorante est pris d’un doute : est-ce « Lucrèce » qu’il préfère, ou sa cousine ? Le dénouement rassemble tous les[...]
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Écrit par
- Boris DONNÉ : maître de conférences en littérature française à l'université d'Avignon
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