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LE MERVEILLEUX VOYAGE DE NILS HOLGERSSON À TRAVERS LA SUÈDE, Selma Lagerlöf Fiche de lecture

Une morale rousseauiste

Il ne suffit pas de rappeler que Selma Lagerlöf relève du grand courant littéraire, dit « vitaliste », qui connaîtra une belle fortune dans le Nord en raison de la symbiose qui s'établit entre la nature et les hommes. Il convient de rappeler aussi que la romancière suédoise avait lu avec soin l'écrivain anglais Rudyard Kipling (1865-1936), son contemporain exact, dont elle partageait spontanément la même vision de la vie.

Il faut aussi souligner, chose qui est rarement faite, que ce livre ,appelé à connaître un immense succès, fut initialement un ouvrage de commande. Avait été publié en France, en effet, afin de proposer aux enfants des écoles une souriante initiation à la connaissance de la géographie physique et humaine de leur pays, un ouvrage qui fut tellement populaire qu'il est encore réédité de nos jours, Le Tour de la France par deux enfants, de G. Bruno (alias Mme Augustine Fouillée, 1871). C'est sur ce modèle que les autorités suédoises commandèrent à Selma Lagerlöf, romancière célèbre depuis une bonne dizaine d'années et qui exerçait aussi le métier d'institutrice, un livre de ce genre. Selma ne se fit pas prier et inventa le petit Nils Holgersson, qui a donné lieu à toutes sortes d'adaptations.

Mais on se gardera bien de réduire cet ouvrage à un simple livre de contes joliment troussés avec ses lutins, ses nains, ses animaux, agrémenté de contes populaires dont certains sont de l'invention de l'auteur, tandis que d'autres appartiennent au répertoire immémorial de la Suède ou du Nord en général. En bonne Scandinave, Selma Lagerlöf entendait dégager une leçon que l'on ne dit pas toujours : c'est au contact de la nature, en vivant intimement avec les animaux, que Nils redevient « bon », illustration d'un thème rousseauiste qui a toujours eu beaucoup de faveur dans le Nord. De plus, la veine nationaliste n'est pas ici, contrairement à ce que l'on pourrait craindre, excessive. Enfin, cette moraliste, d'obédience luthérienne, reprend le thème profond du livre qui l'avait imposée à la critique (La Saga de Gösta Berling, 1891) : seul le travail apporte le bonheur, ainsi que la fidélité à nos racines.

Il faut insister enfin sur le prodigieux talent de conteuse de Selma Lagerlöf. Si les splendides images du Nord et les évocations de la vie animale sont admirables, il reste que, sans cette magie du verbe, l'ouvrage n'aurait pas le prestige incontestable qu'il exerce.

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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  • LAGERLÖF SELMA (1858-1940)

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    En 1901, la direction générale des écoles avait commandé à l'écrivain un ouvrage de bonne vulgarisation destiné à familiariser les petits Suédois avec la connaissance de leur pays, en partie pour lutter contre la vague d'émigration vers les États-Unis qui appauvrissait la Suède. Ce sera ...