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MONDE LE

Seul journal quotidien français qui bénéficie d'une audience internationale, Le Monde est aussi un cas unique dans la presse nationale de l'immédiat après-guerre. Né en 1944, il n'est pas « issu de la Résistance », comme beaucoup d'autres, mais du vœu du général de Gaulle et de ministres (surtout démocrates-chrétiens) du Gouvernement provisoire de la République française, désireux de voir renaître un quotidien capable de se diffuser à l'étranger dans la lignée du Temps avant la guerre. Le choix du « patron » se porte sur Hubert Beuve-Méry, ancien professeur de droit international à l'Institut français de Prague, qui, correspondant du Temps en Tchécoslovaquie, avait démissionné après les accords de Munich (1938).

Installé rue des Italiens à Paris, près des Grands Boulevards, dans les locaux du Temps dont il a également repris l'apparence, Le Monde sort son premier numéro le 19 décembre 1944. Malgré le souhait du général de Gaulle, il sera loin d'être l'organe officieux du Quai d'Orsay. En effet, Hubert Beuve-Méry communique son esprit d'indépendance à une équipe formée d'anciens du Temps et de journalistes débutants. Si son prédécesseur était contrôlé, depuis le début des années 1930, par le Comité des forges, Le Monde renonce à (ou rembourse) l'aide financière et matérielle qu'il a reçue (comme les journaux issus de la Résistance) des pouvoirs publics et pratique une austère politique d'équilibre financier, puis d'autofinancement, qui lui assure une certaine indépendance économique, condition de l'indépendance politique voulue et affirmée. Si vite affirmée que le journal doit affronter, à partir de 1947, plusieurs offensives de la part des milieux politiques, en raison de sa position dite de neutralisme international. Après la démission, reprise en 1949 et confirmée en 1951, de deux membres du comité directeur, Hubert Beuve-Méry donne lui-même sa démission du poste de gérant mais conserve ses fonctions éditoriales, qu'il quittera en 1969, laissant alors la place à Jacques Fauvet. L'année suivante, en 1952, est créée une Société de rédacteurs, qui participe au capital de l'entreprise alors réparti en trois groupes : les fondateurs, les sociétés du personnel (rédacteurs, cadres et employés) et le gérant en fonction.

Les condamnations par le journal des guerres de décolonisation, notamment, motiveront d'autres offensives politiques de la part des milieux industriels et financiers qui injectent – sans succès – des capitaux dans des entreprises de presse concurrents (Le Temps de Paris, 1956 ; J'informe, 1977). Le tirage quotidien moyen double de 1945 (100 000 exemplaires) à 1958, et de nouveau de 1958 à 1967 ; il franchira le cap des 500 000 exemplaires à l'automne de 1973. Malgré des brimades mineures (comme le blocage du prix de vente par le gouvernement Mollet en 1956) et une longue période d'austérité, Le Monde s'acquitte en un temps record de ses obligations de rachat vis-à-vis de la société du Temps, dont il a repris les actifs, modernise son matériel et crée même une seconde imprimerie, augmente l'effectif de son personnel (il emploie jusqu'à 1 120 personnes, dont 158 journalistes), assurant aux journalistes une situation matérielle comparable, sinon supérieure, à celle que leur font les autres quotidiens de Paris, qui, dans le même temps, enregistrent de fortes baisses de tirage. Le Monde devient ainsi en 1980 le premier quotidien national.

Mais, à partir de 1981, année de l'installation de la gauche au pouvoir, la situation financière du quotidien devient plus difficile. Des pertes d'exploitation sont enregistrées pour la première fois en 1982 (371 261 exemplaires), et la diffusion va diminuer régulièrement, entraînant une baisse des recettes de publicité et des[...]

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Écrit par

  • : licencié en droit, D.E.S. de sciences économiques, journaliste et éditeur
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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