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LE MONDE NOUVEAU DE CHARLOTTE PERRIAND (exposition)

Vers une synthèse des arts

Le visiteur peut ainsi, comme il y a quatre-vingt-dix ans, déambuler dans le stand de l’« Équipement intérieur d’une habitation » présenté par « Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand » au Salon d’automne de 1929 : un appartement de 87 mètres carrés, avec cuisine et salle de bains équipées des dernières innovations, et un séjour à double hauteur où trônent la Chaise longue basculante, le Fauteuil à dossier basculant, les confortables Fauteuils grand confort en cuir et le petit Fauteuil pivotant, que Perriand avait conçu seule en 1927, alors qu’elle n’était âgée que de vingt-quatre ans. Dès les années 1930, le métal laissera souvent la place au bois dans son travail, témoignant d’une tension permanente entre son intérêt pour l’industrie, avec ses possibilités de reproductions économiques, et l’œuvre de la nature, toujours recommencée.

La plus spectaculaire des reconstitutions de l’exposition se trouve à l’air libre, dans le jardin de la fondation : la Maison au bord de l’eau, un projet de 1934 pour une habitation économique en bois, repose sur des pilotis au-dessus d’un bassin ; le salon central de plein air, protégé par un simple velum blanc et cerné par les espaces « minimum » des chambres d’une part et de la pièce à vivre d’autre part, retentit du fracas de l’eau ruisselant sur les gradins de la fontaine qui lui fait face.

Le parti pris des commissaires est de replacer systématiquement les œuvres de Perriand dans leur contexte artistique, au risque – paradoxal – de les effacer. Ce faisant, ils vont en quelque sorte à l’encontre de leur propos, à savoir rendre à la créatrice la place qui est la sienne au sein de l’histoire artistique du xxe siècle. On ressent cette gêne dès la grande salle inaugurale de l’exposition, où trois pièces de grand format de Picasso, de Léger (le fameux Transport des forces de 1937) et de Le Corbusier ainsi qu’un mobile de Calder semblent écraser quelques meubles de Perriand : la chaise longue, mais aussi le guéridon Air France et la chaise Ombre, tous deux empilables et réalisés dans une unique feuille pliée de métal ou de bois. Ils avaient été présentés à une exposition qu’elle avait organisée en 1955 à Tōkyō, Proposition d’une synthèse des arts. Cet objectif, qui reste d’actualité, résume à lui seul le programme de toute une vie de créations.

— Guillemette MOREL JOURNEL

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Écrit par

  • : chercheuse au Laboratoire architecture culture société, UMR AUSSER CNRS de l'École nationale supérieure d'architecture Paris-Malaquais

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