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LE MONDE SELON TOPOR (exposition)

L’anniversaire des vingt ans de la mort de Roland Topor (1938-1997) est célébré par une exposition à la Bibliothèque nationale de France (28 mars 2017-16 juillet 2017) qui confirme l’importance de celui qui fut tout à la fois dessinateur, peintre, graveur, écrivain, dramaturge, cinéaste et acteur. Avec Céline Chicha-Castex et Alexandre Devaux pour commissaires, le parcours scénographique offre une circulation fluide où la chronologie met en évidence les thématiques dominantes de l’artiste : ses débuts dans la presse, puis l’illustration et le monde de l’édition, ses créations pour les différents spectacles au cinéma ou au théâtre, enfin la place de l’artiste et de l’écrivain dans l’art contemporain.

Un théâtre de la cruauté

D’emblée, le visiteur est accueilli par un texte de Topor qui éclaire les lignes de force de son inspiration :

« […] Je veux que mon existence/ Soit une suprême offense/ Aux vautours qui s'impatientent/ Depuis les années quarante/ En illustrant sans complexe/ Le sang la merde et le sexe » (« Biographie », Pense-bêtes, 1992). Le sang, la merde, le sexe : autant d’éléments vitaux qui furent brutalement dévoilés au petit citadin, à l’enfant juif caché à la campagne dans une ferme de Savoie. L’exposition montre comment cette expérience structure l’œuvre, au plus près de la connaissance de l’homme, et donne une vision ordonnée de l’exubérance d’un créateur hors norme.

La presse, premier lieu d’expression public, nous conduit de plain-pied dans l’humour noir et intrigant de Topor. C’est l’époque des petits hommes en costume à chapeau melon placés dans des situations totalement incongrues, dont le premier dessin publié fit la couverture de la revue Bizarre (juillet 1958). De cette période aux suivantes, la maîtrise graphique de l’artiste accompagne une créativité inédite et dérangeante qui inaugure le courant de dessins dits « paniques ». La force expressive de certains motifs chers à Topor est mise en évidence, notamment dans un dessin publié en 1966 dans Hara-Kiri ‒ où un marteau enfonce la bouche d’un visage de profil ‒ pour aboutir à l’affiche publiée en 1976 par Amnesty International, sur le thème « La liberté d’opinion est-elle mortelle ? ».

La partie consacrée aux illustrations dévoile les intérêts éclectiques de ce passionné de livres. Un remarquable album géant, composé de lithographies réalisées à l’atelier Clot, Bramsen et Georges en 1975, expose les Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon. Topor illustre également Les Pensées échevelées (1991) de Stanislaw Jerzy Lec ‒ ce poète polonais amateur d’aphorismes –, ouvrage pour lequel il reprend en couverture un dessin de 1967 où le crâne est pelé au moyen d’un grand couteau. L’exposition est riche d’originaux rarement vus et montre des formats et des couleurs inédits. Au fil des salles, des citations introduisent à la tonalité particulière de chaque espace : « L’erreur comme le rire est le propre de l’homme » ; « La violence sucrée de l’imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel ». Des entretiens audiovisuels avec Jacques Sternberg ou Bernard Pivot accompagnent ces différentes étapes . On y voit également Topor dire son intérêt pour le fantastique de Marcel Aymé, qui lui inspira cent vingt images publiées dans les œuvres complètes du romancier (1977). La superbe affiche allégorique pour le mois de l’estampe en 1997, dernière lithographie créée par Topor, figure à proximité de son esquisse : une femme au tronc nu soulève de son corps le papier où paraîtra son image.

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