MONITEUR DE LA MODE LE
Créé en 1843, Le Moniteur de la mode, journal qui disparut en 1913, évoque les élégances du second Empire et de la IIIe République. Son renom est surtout dû à la qualité des gravures de Jules David, son dessinateur exclusif durant cinquante ans.
À l'origine, ce n'était pas un journal littéraire, car il continuait le cahier publicitaire lancé en 1839 par un magasin de tissus et confection de la rue Vivienne, le Journal spécial des nouveautés de la maison Popelin-Ducarre, mensuel gratuit ayant une planche gravée. En février 1843, A. Popelin-Ducarre s'associait à C. A. Goubaud pour l'exploitation du Moniteur de la mode. Très vite, Goubaud apporta des améliorations pour permettre au journal de se maintenir : gravures plus nombreuses, patrons, primes... Pour définir Le Moniteur de la mode, il faut décrire tout un groupe de journaux, c'est d'ailleurs en cela qu'il est représentatif de la presse de mode du xixe siècle (cf. R. Gaudriault, La Gravure de mode féminine en France, éd. de l'Amateur, Paris, 1983). La mise en pages juxtapose des cahiers spécialisés : mode, romans, ouvrages, puisés à différentes sources, que le lecteur peut détacher ou que d'autres éditeurs peuvent utiliser. Ainsi les textes ne sont pas toujours de première main, mais reflètent l'évolution de la presse féminine du temps : assez littéraire vers 1840-1845, elle devient pratique, familiale et moralisante en s'adressant à un public plus vaste et provincial. Si en 1846-1847 Le Moniteur publie des nouvelles de George Sand et de M. Waldor tandis que Murger tient la chronique théâtrale, si en 1850-1855 on peut encore y relever les noms de Mérimée, Sainte-Beuve, A. Karr ou M. de Revel, le contenu s'affadit ensuite et se limite à la chronique des modes. Les illustrations sont primordiales pour lutter contre la concurrence, or Goubaud utilisait les meilleurs graveurs et imprimeurs, au moment où la gravure sur acier commençait sa carrière, en s'appuyant pour la diffusion sur un réseau de maisons de commerce en France et à l'étranger. Dès novembre 1843, Le Moniteur a une adresse à Londres, l'année suivante à New York puis à Saint-Pétersbourg. Alors que le texte a un tirage réduit de 4 000 exemplaires, une planche sort à 35 000 exemplaires dès 1853. La gravure est un support publicitaire pour les maisons de mode et son libellé imprimé diffère d'un journal à l'autre dans le même groupe (le public du Moniteur n'était pas celui de l'Écho du moniteur ou de Cendrillon). Les gravures pouvaient aussi être revendues à d'autres revues françaises et étrangères, ce que facilitèrent des accords internationaux sur la propriété artistique en 1854 ; c'est ainsi que Goubaud signa des contrats avec Beeton de l'Englishwoman's Domestic Magazine ou La Peña d'El Correo de la moda. D'autres journaux de mode, Le Follet ou Le Bon Ton avaient une édition anglaise, mais Le Moniteur avait sept éditions étrangères : allemande, anglaise, américaine, russe, espagnole, italienne et portugaise ; l'édition belge occupant une place à part en raison des liens existant dès la création entre Le Moniteur de la mode et Le Moniteur des demoiselles. Après 1895, en dépit d'essais d'illustrations en phototypies, Le Moniteur perdit de son importance au profit de journaux professionnels tels que Le Vrai Chic. Il fut aussi concurrencé par de nouvelles revues de luxe comme L'Art et la mode puis, en 1903, par Fémina et par Le Figaro-Mode qui employaient des reproductions photographiques. Témoin d'une esthétique dépassée, considéré à l'Exposition universelle de 1900 comme le vénérable doyen de la presse de mode, il fut absorbé en 1913 par La Mode pratique créée par Hachette en 1891.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise TÉTART-VITTU : diplômée d'études approfondies d'histoire de l'art, chargée de mission au musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
Classification