LE MUSÉE ÉPHÉMÈRE. LES MAÎTRES ANCIENS ET L'ESSOR DES EXPOSITIONS, Francis Haskell Fiche de lecture
Dimension politique des expositions des Maîtres anciens
Pour Haskell, une multiplicité de facteurs pesèrent au xixe et au début du xxe siècle sur les « redécouvertes » des Maîtres anciens. Le climat nationaliste entretenu par les États joua un rôle manifeste dans ce qu'il nomme la « seconde redécouverte » des Maîtres anciens, autour de 1900. En cela, l'histoire du goût écrite par Haskell est à l'opposé de celle qu'Ernst H. Gombrich défend, particulièrement dans son dernier ouvrage, The Preference for the Primitive (2002), quand il cherche, plus en profondeur, dans la psyché collective des connaisseurs, les mécanismes qui ont permis la levée des tabous esthétiques au début du xixe siècle, entraînant ainsi un long processus de révision des réputations et de redécouvertes de maîtres jusqu'alors déconsidérés. Loin de cette histoire des desserrements esthétiques chez Gombrich, qui n'est pas sans rappeler l'analyse de la modification des sensibilités chez Norbert Elias, c'est la dimension publique et politique des mutations du goût pour les Maîtres anciens, que dévoile Haskell dans le Musée éphémère, en retraçant l'histoire des expositions temporaires les plus paradigmatiques : spéculation financière lors de l'exposition de la collection du duc d'Orléans à Londres, en 1798 ; miroir de l'opulence d'une nation, à Manchester en 1855 ; affirmation nationaliste, à travers les primitifs exposés à Bruges en 1902 et à Paris en 1904 ; diplomatie et propagande par les tableaux, comme le montre l'exemple de Botticelli mis « au service du fascisme », exposé à Paris et à Londres en 1930 à la demande de Mussolini. Enfin, pour Francis Haskell, ce n'est plus tant à ces demandes directement politiques que l'institution muséale est tenue, aujourd'hui, de répondre, mais à celles du marché international des expositions temporaires. C'est ainsi que se scelle le triomphe durable du musée éphémère, et du supplément d'émotion qu'entraînerait pour le visiteur moderne, tel Bergotte devant la Vue de Delft de Vermeer, la contemplation d'un ensemble qui sera bientôt dispersé et dont les œuvres seront renvoyées à leur fragile refuge : la collection permanente.
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Écrit par
- François-René MARTIN : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre
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