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LE MYSTÈRE CORIOLIS (A. Moatti)

Représentant d’une génération d’« ingénieurs-savants » ayant su faire le pont entre le monde de l’industrie et la recherche académique, Gaspard-Gustave de Coriolis (1792-1843) a laissé son nom à une « pseudo-force », un effet mécanique qui a donné du fil à retordre à des générations d’étudiants. La biographie (Le Mystère Coriolis, CNRS Éditions, 2014)qu’en propose l’ingénieur et historien des sciences Alexandre Moatti met en lumière la richesse du personnage et l’originalité de son approche scientifique.

Fils d’un capitaine de la garde du roi, déchu après la prise des Tuileries et reconverti dans le commerce de papiers peints, Coriolis passe son enfance à Nancy. En 1808, il réussit brillamment le concours d’entrée à l’École polytechnique ; il en sortira membre du corps des Ponts et Chaussées, qui était alors la voie réservée aux meilleurs élèves. De santé fragile et très peu intéressé par le travail administratif qu’il pratique néanmoins de 1813 à 1816 à Lille puis dans les Vosges, il argue de son dévouement au roi et de son goût pour la science pour obtenir un poste plus scientifique. En 1817, il devient répétiteur du cours d’analyse d’Augustin Cauchy (1789-1857) à l’École polytechnique, tout en gardant son statut privilégié et son traitement, ce qui lui permettra d’apporter un notable soutien financier à sa mère veuve depuis 1811 et sans fortune. Il occupera ce poste pendant une vingtaine d’années et développera avec Augustin Louis Cauchy, mathématicien éminent mais piètre enseignant, une relation de respect mutuel qui permettra des échanges scientifiques fructueux. Cauchy enrichit d’ailleurs ses cours de divers apports de Coriolis, comme « la définition du rayon de courbure d’une courbe quelconque » ou « la règle sur la convergence des produits composés d’un nombre infini de facteurs ».

Définition concrète du travail

C’est toutefois dans le domaine de la mécanique que Coriolis apporte ses contributions majeures au développement scientifique. Dans un mémoire présenté à l’Académie des sciences en août 1826, titré « Observations sur le choix d’une nouvelle dénomination et d’une nouvelle unité pour la dynamique », il définit la notion de travail comme le produit « du chemin parcouru et de la force dans le sens de ce chemin ». Il précise que cette définition permet de donner une correspondance adéquate en physique à la notion de travail issue du langage commun et en particulier de la notion économique utile à l’industrie. Trois ans plus tard, il rassemble dans une publication importante – Calcul de l’effet des machines – une « méditation philosophique et sévère sur la théorie des machines » et de nombreux éléments novateurs à propos du concept physique de travail. Il y distingue travail moteur, travail résistant, travail utile et travail perdu, énonce un principe de la transmission du travail équivalent au principe existant de conservation des forces vives (on appelait force vive le produit mv2 de la masse[m]d’un objet par le carré de sa vitesse[v]). Il démontre enfin que la quantité dynamique adéquate à considérer est la demi-force vive (ce qu’on appelle maintenant l’énergie cinétique mv2/2) car elle seule permet de mettre en harmonie les notions de travail et de force vive.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau