LE MYSTÈRE LE NAIN (exposition)
L’œuvre et ses interprétations
Exposition et catalogue renouvellent aussi l’interprétation des scènes paysannes qui ont fait la gloire des Le Nain. Antoine, Louis et Mathieu étaient originaires de Laon, en Picardie, et on les croit volontiers imprégnés d’une campagne que reflètent leurs paysages et les célèbres compositions ‒ celles dues au pinceau de Louis en particulier ‒, qui mettent en scène d’humbles réunions de paysans d’une dignité sans précédent, différente du réalisme grinçant d’un Georges de La Tour et de la caricature propre aux « gueuseries » en vogue depuis le xvie siècle. Alors que les spécialistes américains privilégient une lecture religieuse voire initiatique de ces œuvres dans le contexte parisien de la Réforme catholique, les Français pensent au contraire que les scènes paysannes des Le Nain répondaient à la demande, venue d’un marché de l’art parisien en plein essor, de tableaux de genre plus nobles que ceux drainés par le monopole flamand.
Sur l’influence des Le Nain, l’exposition faisait une place aux « émules », artistes anonymes, de culture flamande ‒ ce qui ne doit pas étonner dans le Paris de l’époque ‒, mais dont les œuvres reflètent le succès parisien des scènes populaires et paysannes des trois frères : Maître des Cortèges, Maître aux Béguins et Maître des Jeux. Productions anecdotiques et répétitives dont certaines ont pu néanmoins passer pour d’authentiques Le Nain comme le Cortège du bœuf gras (Paris, musée Picasso) du Maître des Cortèges.
Enfin, plusieurs œuvres faisaient l’objet de mini-dossiers appelant une attention particulière de la part du visiteur averti. On en mentionnera ici trois dont l’attribution est très problématique : une Adoration des bergers (vers 1635-1640 ; musée des Beaux-Arts de Rouen), autrefois donnée à La Hyre, et une belle Crucifixion (vers 1650 ; Museum of Fine Arts, Boston), présentées dans les étapes américaines comme des Le Nain, ce que contestent les Français. Enfin l’Académie (vers 1640 ; musée du Louvre), tableau célèbre, dont la préparation ne correspond pas à la technique de l’atelier. Où le laboratoire vient au secours de l’œil…
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Média