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NATIONAL LE

L'origine des capitaux qui permirent la création du National n'a pas été clairement établie, mais on peut estimer qu'une partie fut d'origine orléaniste. Le journal fut lancé le 3 janvier 1830 par trois associés : Thiers, qui ne se trouvait plus assez libre au Constitutionnel, Mignet, son ami venu du Courrier français, et Armand Carrel ; ce dernier, ancien saint-cyrien, avait eu une vie agitée : chassé de l'armée en 1823 pour participation à un complot libéral, il avait été arrêté en Espagne pour avoir tenté de s'opposer à l'expédition française qui avait été chargée de rétablir Ferdinand VII sur son trône ; condamné à mort puis libéré en 1824, il s'était lancé dans des travaux de librairie.

Le National fut un journal d'opposition créé contre le ministère Polignac pour « enfermer les Bourbons dans la Charte, fermer exactement les portes et les forcer à sauter par les fenêtres ». Il mena contre Charles X, avec La Tribune de Marrast, nettement républicaine, Le Globe, Le Temps, Le Constitutionnel, Le Courrier français et d'autres, une guerre de plume très violente : le 26 juillet 1830, Thiers et les rédacteurs du National prirent la tête du mouvement de résistance aux ordonnances qui provoqua le lendemain la révolution dans Paris.

Le National devint, après les Trois Glorieuses, l'organe de l'appel à Louis-Philippe. Thiers et Mignet, pourvus par le nouveau régime, espéraient faire désormais du journal une feuille gouvernementale. Carrel, lui, hésita puis, devenu seul rédacteur en chef, l'orienta vers l'opposition, feutrée à l'origine puis, dès 1832, nettement déclarée. Fidèle à ses conceptions classiques, Carrel maintint son journal dans l'hostilité au romantisme : il avait déjà éreinté Hernani en février-mars 1830. En politique extérieure Le National était favorable à la remise en cause des traités de 1815 ; en politique intérieure, il évolua vers des positions quasiment républicaines et mena en particulier une lutte acharnée contre Casimir Périer. Il eut à affronter de nombreuses poursuites et à subir bien des condamnations. Le 24 juillet 1836, Carrel mourait, à 36 ans, des suites de son duel avec Émile de Girardin. Ce fut pour le parti des libéraux intransigeants une perte très grave ; Le National, lui, flotta un peu, puis modéra l'expression de son opposition ; ses tirages montèrent jusqu'à plus de 5 000 exemplaires. En 1841, Armand Marrast en prit la direction, mais il ne put pas le maintenir à la tête des feuilles de l'opposition : Le Siècle, La Réforme, La Démocratie pacifique étaient bien plus virulents et mieux écoutés que lui. Sous la seconde République, Le National eut une carrière sans relief : Marrast fut ministre ; le journal finit par devenir l'organe de Cavaignac : il fut supprimé lors du coup d'État du 2 décembre 1851.

En 1869, Ildefonse Rousset reprit le titre, et Le National eut une nouvelle carrière dont les multiples avatars se terminèrent en 1914.

— Pierre ALBERT

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université Panthéon-Assas

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