LE NOM et UN JOUR EN ÉTÉ (mises en scène)
Claude Régy est le metteur en scène à qui nous devons le plus de révélations en France d'auteurs dramatiques étrangers. En 1999, c'est le Norvégien Jon Fosse qu'il nous fait connaître en montant Quelqu'un va venir. L'auteur, né en 1959, a déjà publié une quinzaine de romans, d'essais et de recueils de poésie. Il ne s'est mis à écrire pour le théâtre qu'à partir de 1994. Aujourd'hui, L'Arche lui a déjà consacré trois volumes : soit sept pièces, où des metteurs en scène commencent à puiser. En 2002, deux d'entre elles, Le Nom et Un jour en été ont été créées à Paris, l'une au Théâtre de la Tempête par Christian Colin, l'autre au Théâtre de la Bastille par Jacques Lassalle.
Du théâtre de Jon Fosse, on dit volontiers qu'il est « minimaliste ». Faut-il entendre par là sécheresse et pauvreté des moyens d'expression ? ou bien acceptation de son sort et repli sur soi ? Il est vrai que si l'on s'en tient au premier degré, on s'ennuiera un peu au spectacle du Nom. Mais une oreille sensible perçoit la densité des silences, les mots qui manquent ou se répètent. Alors on se rabat sur les à-peu-près de généralités assez plates par tous ressassées. Jon Fosse dépersonnalise ses personnages en ne leur attribuant pas de nom, à peu d'exceptions près. Ils sont la Fille, le Garçon, la Mère, la Sœur, ce qui les rend emblématiques de la place que leur assigne la société. Ils n'en existent pas moins sur scène. Quand on lit la pièce, on peut constater la grande place qu'y tiennent les didascalies, par lesquelles l'auteur invite ses interprètes à donner au corps – gestes, contenances – tout son pouvoir d'expression.
Dans Le Nom, Beate (Eline Holbo-Wendelbo), toute jeune, revient avec le Garçon (Thomas Blanchard), son compagnon, dans sa modeste maison natale, isolée au bord du fjord. Elle est enceinte. La Mère (Christine Murillo) ne s'en montre ni surprise ni choquée, pas plus que le Père (Rémy Carpentier). Tous deux semblent ne se soucier de rien d'autre que de leur fatigue, de leurs maux et du train-train quotidien. Ils ne portent pas attention au Garçon, ne lui ont même pas demandé son nom. Ni rejeté, ni accepté, celui-ci se tient à l'écart, le nez plongé dans un livre. Harcelé par Beate qui s'inquiète qu'ils n'aient pas encore trouvé un nom pour l'enfant à naître, il s'anime enfin. Une discussion s'engage, des noms sont proposés, critiqués, rejetés. Oubliée la morosité du milieu familial. Le Garçon imagine les enfants à naître « encore dans leurs âmes », qui se parlent entre eux « dans leur propre langage d'anges/ Et ils se demandent où ils vont atterrir/ car ce n'est pas eux qui le décident ». Le Garçon, comme inspiré : « Et tous les enfants sont impatients de découvrir/ à quoi ressembleront leurs parents ». L'enfant à naître ne portera-t-il pas finalement le nom de Bjarne, amour de jeunesse de Beate ? Jon Fosse se montre ici capable d'autre chose que d'un tableau à la pointe sèche. Christian Colin sert l'auteur avec un sens très juste du porte-à-faux des relations ; une atmosphère est créée à partir de l'aridité des échanges traversée de brusques flambées de lyrisme.
Un jour en été est un exemple parfait de théâtre intimiste. Le niveau social et intellectuel d'Asle et de ses amis les situe dans le milieu de la bonne bourgeoisie. Lui et sa jeune femme ne supportaient plus la ville. Ils ont choisi d'habiter une belle grande vieille maison sur une colline, près du fjord. Asle passe tout le jour sur son canot. Un jour d'été, il n'est pas revenu.
Entre automne et été, la construction de la pièce joue sur le flash-back. Coexistent sur scène la femme d'Asle au jour du drame (Marianne Basler) et la femme[...]
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Écrit par
- Raymonde TEMKINE
: ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, critique dramatique de
Regards et des revuesEurope ,Théâtre/Public , auteur d'essais sur le théâtre
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