LE NORMAND ou LENORMAND MARIE-ANNE (1772-1843)
Marie-Anne Le Normand, plus connue sous le nom de « Mademoiselle Lenormand », est sans doute la voyante la plus célèbre des temps modernes. Cette popularité, elle la doit à un jeu de cartomancie, pourtant apocryphe, plus qu'à ses écrits – quelque quatorze ouvrages aujourd'hui largement oubliés – dans lesquels elle raconte ses songes et ses visions, et se vante de rencontres prestigieuses, pour la plupart douteuses. Son sens de la publicité, jusque dans la mort, et la prolixité de ses biographes, prompts à broder de nouveaux exploits, ont fait d'elle un personnage assez éloigné de la réalité.
Marie-Anne-Adélaïde Le Normand est née à Alençon le 27 mai 1772, seconde fille de Jean-Louis Le Normand, mort l'année suivante, et d'Anne-Marie Gilbert, qui devait mourir cinq ans plus tard. Devenue orpheline, l'enfant est mise en pension chez les sœurs, d'abord chez les Bénédictines, puis chez les Visitandines, où elle se sent déjà des dons de voyance. À l'âge de 11 ans, elle est placée en apprentissage chez une couturière. En 1786, elle s'installe à Paris où son père adoptif vient d'ouvrir un magasin. Elle fréquente peut-être alors son compatriote Jacques-René Hébert. L'année suivante, elle est arrêtée pour pratique magique, mais n'est pas poursuivie. Une tradition que rien ne permet de confirmer prétend qu'elle se rend ensuite à Londres et qu'elle y pratique l'astrologie, gagnant suffisamment d'argent pour rentrer enrichie (à 18 ans !) à... Alençon l'année suivante (1790).
Revenue à Paris, Marie-Anne Le Normand devient lectrice de d'Armeval de La Saussotte, personnage assez trouble et libertin. Attirée par le théâtre, elle connaît ses premiers succès de voyante dans le milieu des acteurs, qu'elle fréquente en tentant d'y placer les pièces qu'elle écrit (mais dont il ne reste rien). Elle s'installe alors rue de Tournon, où elle prétendra plus tard avoir accueilli quelques visiteurs huppés, dont le comte de Provence (futur Louis XVIII), Fouché, encore inconnu, Camille Desmoulins, Robespierre et même Bonaparte ! La présence d'un club jacobin au 8, rue de Tournon lui a probablement amené une clientèle de politiques.
En réalité, les activités de Marie-Anne Le Normand paraissent avoir été moins glorieuses. Elle fait à ce moment-là la connaissance d'une tireuse de cartes et de son acolyte, un garçon boulanger ; devenue leur associée en 1793, elle rend des oracles déguisée en « Américaine ». Mais un client mécontent, conventionnel, la fait arrêter pour charlatanisme, avec ses comparses ; incarcérées à Saint-Martin, les deux femmes sont condamnées solidairement à dix livres d'amende comme « diseuses de bonne aventure ». Toujours surveillée par la police, qui la soupçonne de s'acoquiner avec des « ennemis du peuple », Marie-Anne Le Normand est à nouveau arrêtée le 17 juin 1794 et enfermée à la prison de la Force. Thermidor la libérera.
En octobre 1797 (vendémiaire an VI), elle fonde un journal, Le Mot à l'oreille, ou le Don Quichotte des dames, dont elle se dit « propriétaire-rédactrice ». Rien de divinatoire là-dedans : cette modeste gazette enfile les banalités, nouvelles, rumeurs (« on-dit »), scènes de rue sur le vif, décisions du Conseil des Cinq-Cents. Mais Mademoiselle Le Normand était démangée par la passion d'écrire. Son adresse est alors 115, rue de Tournon, faubourg Saint-Germain. Le Mot à l'oreille n'alla pas au-delà de huit numéros.
La vraie notoriété vient avec l'Empire. Marie-Anne est-elle alors, comme elle l'a prétendu dans les Mémoires historiques et secrets de l'impératrice Joséphine (Paris, chez l'auteur, 1820), la confidente de Joséphine ? On peut en douter quand on sait le jugement sans appel formulé par les historiens[...]
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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CARTOMANCIE
- Écrit par Thierry DEPAULIS
- 2 198 mots
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Il est vrai que la cartomancie, désormais bien installée en dépit de l'hostilité de la police, a enfin acquis droit de cité. C'est surtout, à Paris, la figure très médiatisée de Mademoiselle Le Normand (1772-1843) qui, depuis son officine de la rue de Tournon où elle reçoit hommes politiques et femmes...