LE NOUVEL ÉTAT INDUSTRIEL, John Kenneth Galbraith Fiche de lecture
The New Industrial State (Le Nouvel État industriel) constitue l'ouvrage majeur et central d'une trilogie qui tente de construire une vision d'ensemble des réalités économiques contemporaines. John Kenneth Galbraith (1908-2006) y présente l'économie américaine comme un système dualiste partagé entre une minorité de grandes entreprises toutes-puissantes et une majorité de petites entreprises. L'auteur y bouscule les idées reçues, remet en cause l'hégémonie de la théorie néo-classique et précise au fil des trois éditions sa suspicion à l'égard d'un tel système. Cet ouvrage est étroitement lié à L'Ère de l'opulence (1958), dans lequel Galbraith, fidèle aux principes d'intervention élaborés par Keynes, en appelle à la revalorisation de l'action publique. Le dernier volume de la série, La Science économique et l'intérêt général (1973), met l'accent sur le rôle de la puissance publique dans une économie dualiste, et traite des relations entre le monde des petites et celui des grandes entreprises.
La grande entreprise comme système planificateur
Le Nouvel État industriel est conçu autour d'une représentation du système économique dans laquelle le pouvoir appartient aux grandes entreprises. Galbraith construit, autour de cette notion de pouvoir, une vision originale de la réalité du système américain et occidental, dont le trait dominant tient à la présence du système planificateur (chapitre I) qui supplante le système de marché. Outre le fait que ce système soit caractérisé par une grande virtuosité technologique (chapitre II), par une abondance en capital (chapitre IV), l'auteur insiste particulièrement sur le transfert de pouvoir du propriétaire et de l'entrepreneur (chapitre V) à la technostructure (chapitre VI), qu'il définit comme « un appareil de prise de décision de groupe, destiné à mettre en commun et à évaluer les informations fournies par de nombreux individus, en vue de parvenir à des décisions qui débordent le cadre des connaissances individuelles de chacun ». Dans ce cadre, l'entreprise moderne (chapitre VII), contrairement aux principes de la microéconomie standard qui fait de la maximisation du profit l'objectif principal de l'entrepreneur, cherche à maximiser l'ensemble des intérêts de son organisation, dont les recettes ne sont qu'un élément. Surtout, elle veut faire en sorte que les objectifs de la collectivité concordent avec les siens et que les individus qui la composent abandonnent leurs buts personnels (chapitres XI et XII), par le biais de techniques de motivation (chapitre XIII). Ce principe dit de cohérence (chapitre XIV) entre les buts du corps social, ceux de l'individu et de la grande entreprise donne à cette dernière un pouvoir bien plus important que si elle se limitait à la recherche du profit.
Afin d'assurer sa sécurité et sa croissance (chapitre XV), le système planificateur exerce aussi son pouvoir sur les prix (chapitres XVI et XVII) et s'efforce de conditionner le comportement du consommateur (chapitre XVIII) au moyen de la publicité. Face aux risques d'instabilité économique – fluctuation de la demande globale (chapitre XX), spirale prix-salaire (chapitre XXI) – il cherche à obtenir de la puissance publique l'action et l'appui appropriés (chapitres XXVI et XXVII). Cet appui inclut le soutien de la demande globale en faveur d'industries spécifiques comme celle de l'armement. Galbraith souligne alors les dérives et les dangers de ce système (chapitre XXIX), le rôle déclinant des syndicats (chapitre XXIII), et en appelle à un sursaut du corps des éducateurs et des scientifiques (chapitre XXV). Insistant sur l'assujettissement de l'individu (chapitre XXXII), il précise que l'émancipation de ce dernier doit passer par l'éducation (chapitre XXXIII) et le pluralisme politique[...]
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Écrit par
- Anne-Sophie FRAISSE : attachée temporaire d'enseignement et de recherche, université de Paris-V-René-Descartes
Classification
Média
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