Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LÊ PHO (1907-2001)

Né le 2 août 1907 à Ha-dong près de Hanoï alors capitale de l'Union indochinoise, le peintre Lê Pho a vécu une révolution artistique majeure : il appartient en effet à la génération d'artistes asiatiques qui, entre 1910 et 1930, ont été acteurs de la rencontre entre les modes de représentation extrême-orientaux classiques et la modernité occidentale. Fils du tông-dôc (gouverneur de province) de Hai-duong, il bénéficie de la culture mandarinale, s'initie à la calligraphie et à la peinture de lettrés. À seize ans, il entre à l'„école professionnelle“ créée à Hanoï pour former les Vietnamiens aux métiers d'art. En 1925, l'ouverture de l'école des Beaux-Arts de l'Indochine représente pour Lê Pho – et pour la première promotion qui en sort cinq ans plus tard – bien davantage qu'une formation technique et intellectuelle : dans le contexte asiatique et colonial, le statut d'„artistes“ ainsi reconnu aux jeunes Vietnamiens signifie la possibilité d'une expression individuelle assortie d'une émancipation sociale. L'école, véritable laboratoire de mixité culturelle, enseigne les techniques européennes mais dispense également des cours de peinture sur soie et l'art du laque.

Soucieux du devenir de ses étudiants, le premier directeur de l'école, Victor Tardieu (1870-1937), assure leur promotion : Lê Pho participe à Paris à l'Exposition coloniale de 1931, suit des cours à l'école des Beaux-Arts en 1932 et voyage en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie où il approfondit sa connaissance des peintres primitifs, puis de retour dans son pays, en 1933, il enseigne à l'école des Beaux-Arts de Hanoï et voyage en Chine. Durant les années 1930, Lê Pho – qui renonce à pratiquer le laque à cause d'une allergie – alterne la peinture à l'huile sur toile ou la gouache et encre sur soie. Ses figures de femmes ou d'enfants, ses natures mortes sont travaillées en aplats ou avec un faible modelé, son dessin est souvent linéaire, les couleurs rompues cherchant à lier les figures à leur environnement. Ces scènes irréelles suggèrent une harmonie nostalgique, comme si la modernité artistique acquise permettait de capter l'image d'un Vietnam enfui.

1937 est pour lui une date charnière : directeur artistique de la section indochinoise de l'Exposition internationale de Paris, il choisit – comme son ami, le peintre Mai Trung Thu (1906-1980) – de s'installer définitivement en France où il mourra, à Paris, en 2001, et d'inscrire son œuvre dans le contexte artistique international tandis que les artistes restés au Vietnam évoqueront les combats pour l'indépendance.

Lê Pho a sa première exposition personnelle parisienne en 1938 ; en 1941, il expose en Algérie, s'intéresse à Bonnard et à Matisse qu'il rencontre en 1943. Après la guerre, il devient l'un des peintres vietnamiens les plus renommés. Au fil des années, il privilégie la technique à l'huile et sur ses toiles se succèdent les visages ou les silhouettes de femmes longilignes, les enfants, les motifs de fleurs à la ligne serpentine, dans une palette chatoyante et vive. Le contrat qu'il souscrit en 1964 avec la galerie Wally Findlay de Chicago conforte son succès, ses œuvres sont achetées par de nombreux collectionneurs américains.

Bien représentée au musée des Beaux-Arts de Hanoï, l'œuvre de Lê Pho est absente des collections publiques françaises. Les Deux Sœurs, une gouache et encre sur soie de 1938, est entrée au Musée national de Singapour en 1999. Chaque manifestation d'art vietnamien, notamment l'exposition La Fleur du pêcher et Arts et civilisation au Viêt Nam en 2002 au Musée royal de Mariemont (Belgique), réserve une place de premier rang à sa création.

— Arnauld LE BRUSQ

Bibliographie

W. George[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification