LE POUVOIR D'ACHAT DE LA MONNAIE, Irving Fisher Fiche de lecture
La théorie quantitative de la monnaie et les phases transitoires
Le premier apport de cet ouvrage consiste en un exposé rigoureux de la théorie quantitative de la monnaie, théorie qui avait déjà fait l'objet de nombreuses formulations (de la part, notamment, de David Hume et David Ricardo). Mais elle désignait alors davantage une conception du rôle de la monnaie, comme simple intermédiaire des échanges, qu'un ensemble de propositions bien identifiées : elle se résumait à la croyance selon laquelle l'instabilité des prix provient de causes monétaires. Le mérite de Fisher est de proposer « une révision consciencieuse de cette vénérable théorie » en lui donnant des fondements précis. Les hypothèses formulées au sujet de V, V', M' et T représentent un premier pas dans ce sens en établissant une relation de proportionnalité entre M et P. Mais restait à préciser le sens de la causalité. À cette fin, Fisher suppose que l'offre de monnaie est exogène : les autorités monétaires exercent un contrôle direct sur la masse monétaire et en fixent le volume en fonction d'objectifs propres. Il en déduit que c'est nécessairement le niveau général des prix qui s'ajuste à la quantité de monnaie en circulation. La théorie quantitative tient dans cette conclusion : toute augmentation de la quantité de monnaie entraîne une augmentation proportionnelle du niveau général des prix. Autrement dit, à la suite d'une augmentation de M, les prix augmentent d'un montant proportionnel, tandis que les valeurs relatives des biens restent inchangées : la monnaie est neutre.
Le second apport de cet ouvrage réside dans la prise en compte de « périodes de transition » : durant celles-ci (que Fisher estime d'une durée de dix ans), la relation de la théorie quantitative n'est pas vérifiée car l'ensemble des facteurs présents dans l'équation générale des échanges connaissent des fluctuations. C'est le cas notamment de V et V'. À la suite d'une hausse du niveau général des prix, et, par conséquent, d'une baisse du pouvoir d'achat de la monnaie, chacun cherche en effet à se débarrasser de la monnaie qui, « à la façon d'un fruit mûr, peut se déprécier entre [ses] mains ». Il s'ensuit donc une augmentation de V et V'. Pour Fisher, ces fluctuations sont néanmoins cycliques : elles finissent par s'annuler sur le long terme. Autrement dit, l'analyse des périodes transitoires permet de comprendre comment s'établit sur le long terme la relation entre M et P postulée par la théorie quantitative.
Balayée par la révolution keynésienne des années 1930, la théorie quantitative de la monnaie trouvera sa réhabilitation dans la « réexposition » qu'en fait Milton Friedman en 1956, au point d'orienter sensiblement, à partir du début des années 1980, des politiques monétaires dès lors vouées à la lutte contre l'inflation.
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Écrit par
- Nicolas CHAIGNEAU : maître de conférences en sciences économiques
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