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LE PRINCIPE RESPONSABILITÉ, Hans Jonas Fiche de lecture

Œuvre de maturité, Le Principe Responsabilité, paru en Allemagne en 1979, a reçu une audience qui dépasse de beaucoup celle des autres travaux de son auteur, Hans Jonas (1903-1993), élève de Husserl, Heidegger et Bultmann, d'abord spécialiste de La Religion gnostique (1930, trad. franç. 1978), qui enseigna à Jérusalem, puis, pour l'essentiel, en Amérique du Nord. On a pu y voir le traité d'une morale actuelle, consciente des exigences de solidarité entre les peuples comme entre les générations, et de respect de l'environnement : une tentative pour formuler une éthique à l'âge de la science, qui refuse aussi bien l'aveuglement du technicisme que le vertige du Grand Soir.

Peur, espérance, responsabilité

Au Principe Espérance de Ernst Bloch (1954-1959), moteur des utopies dans l'histoire, Jonas oppose une éthique de la responsabilité. Logiquement, le dernier chapitre de son livre est une critique de l'utopie – exemplairement le marxisme –, considérée comme « modèle extrême » de la technologie et de l'emprise qu'elle exerce sur le monde. L'enjeu, souligne le sous-titre, est en effet celui d'« une éthique pour la civilisation technologique ». L'âge de la science est marqué par un pouvoir qui paraît sans limite, et qui s'avère effrayant même pour son détenteur, l'homme, dans la mesure où les morales traditionnelles ne lui permettent plus de penser les conséquences à long terme de son action. Jonas se donne pour tâche, par conséquent, de refonder une morale. Il repense les catégories du devoir, du bien, de la valeur, de l'engagement, à la lumière du « Principe Responsabilité », dont le paradigme est la relation que des parents entretiennent avec leur enfant. Les menaces sur l'avenir de l'espèce, et plus généralement sur l'avenir de la nature, obligent à reconnaître cette dernière comme vulnérable : par cette reconnaissance, nous prenons conscience de notre puissance, de ce qu'elle implique pour autrui et, au-delà, pour l'humanité elle-même, considérée comme la succession des générations.

« Le paradoxe de notre situation consiste en ceci que nous devons conquérir le respect perdu à partir du frémissement, le positif à partir de la représentation du négatif : le respect devant ce que l'homme était et devant ce qu'il est, en reculant d'horreur devant ce qu'il pourrait devenir et dont la possibilité nous regarde fixement à partir de l'avenir que prévoit la pensée. » L'aiguillon de la responsabilité n'est autre que le contraire de l'espérance : il s'agit bien de la peur, que Jonas entreprend de réhabiliter. Il y aurait une peur positive, non pas celle qui paralyse l'action – la peur pour soi-même, et qui s'entretient elle-même dans l'impuissance et la soumission – mais la peur pour autrui – pour le nourrisson dont on a la charge, pour l'être sans défense et qui se trouve à notre merci.

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  • RESPONSABILITÉ SOCIALE DES SCIENTIFIQUES

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    ...noyau de la matière (physique nucléaire) ou le noyau de la cellule vivante (génétique), ont amené le philosophe allemand Hans Jonas à s'interroger (Le Principe responsabilité, 1990) : « La terre nouvelle de la pratique collective, dans laquelle nous sommes entrés avec la technologie de pointe, est...