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LE PROCÈS-VERBAL, Jean-Marie-Gustave Le Clézio Fiche de lecture

Jean-Marie Gustave Le Clézio se fait connaître en 1963 à l'âge de vingt-trois ans, à l'occasion de la sortie de son premier livre, Le Procès-verbal. Cette œuvre, où s'amorce la volonté d'une écriture audacieuse, reçoit le prix Renaudot. Depuis, les romans alternent avec les recueils de nouvelles et les essais. D'autres textes, proches du conte (Voyages de l'autre côté, 1975), du journal (Le Livre des fuites, 1969) ou de la poésie (Le Déluge, 1966) restent inclassables ; ils témoignent de l'attachement de Le Clézio à la liberté créatrice et d'une méfiance à l'égard de tout enfermement de l'œuvre littéraire dans un genre prédéterminé : « Voilà, c'est lui, c'est bien lui, c'est tout à fait lui [...] vite maintenant l'étiquette [...]. Tout ce que j'écris je le barre » (Le Livre des fuites).

« Roman-jeu » ou « roman-puzzle », Le Procès-verbal annonce une œuvre qui, jusqu'à Désert (1980), où se révèle le romancier classique, se caractérise par le lien étroit avec le monde imaginaire de son auteur. Libérateur dans sa dénonciation d'une société qui nie l'individu n'adhérant pas à ses règles, poétique dans sa façon de signifier la communion avec l'Univers, Le Procès-verbal met en scène la contradiction de l'homme contemporain comblé par la beauté d'une nature indomptable et écrasé par une civilisation frustrante et contraignante. Jusqu'à Géants (1973), et avant même que se manifeste le tournant de 1978 avec les nouvelles dépouillées de Mondo, l'écrivain va explorer l'espace intérieur du refus et des contradictions qui, trop longtemps contenus, finissent par jaillir au grand jour. Le Procès-verbal raconte ce tragique intérieur.

Isolement et dissolution

« Maniaque du repli sur soi », Adam Pollo, jeune homme d'une trentaine d'années, sans profession, refuse l'idée de la mort. Ignorant s'il sort de l'armée ou de l'asile psychiatrique, il se sent isolé des vivants par son oubli ou sa folie. Asocial, il fait retraite dans une maison abandonnée au bord de la mer, loin de la ville, « attendant solitaire au bout de son corps grêle l'accident bizarre qui l'écrasera contre le sol, et l'incrustera à nouveau chez les vivants [...] ». À longueur de journée, il contemple sa propre intelligence palpitante dans l'univers, sans relâche, à l'abri, comme immergé dans un monde préservé du mal, c'est-à-dire sans travail. Son inaction devient protestation contre une société suractive, où il ne trouve pas sa place. « Personnage sans épaisseur, sans qualités personnelles, simple destin en marche, aussi dénudé et vide que les héros de Beckett [...] » (J.-L. Onimus), Adam Pollo incarne l'étrangeté d'exister. La sensation reste alors la seule évidence, l'unique certitude. Grâce à une attention obsédée et infinie, le jeune homme réussit à occuper le centre de l'Univers, qu'il voit en prophète. Son regard tourné vers la seule intelligence du monde descend vers la matière (la plage, le chien, le rat, les fauves du parc zoologique) et s'unit à elle. Conscience qui dit l'inépuisable existence de la chose tout en désirant la remplacer, Adam est voué à la perte. Son malheur vient de ce qu'il ne peut s'évader de soi et préfère se dissoudre plutôt que de participer. Égaré, sans avenir ni principes, prisonnier d'une existence sans mode d'emploi et bâtie à coups d'échec et de dégoût, Adam Pollo est finalement arrêté et jugé par les hommes dont il a voulu transgresser les interdits. Parce qu'il n'est pas entré dans le jeu, il est déclaré fou : « Adam, tout seul, étendu sur le lit sous une stratification de courants d'air, n'attend plus rien [...]. Il va dormir vaguement dans le monde qu'on lui donne [...]. Il est dans l'huître, et l'huître au fond de la mer. »[...]

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