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LE RAVISSEMENT DE LOL V. STEIN (M. Duras) Fiche de lecture

Marguerite Duras - crédits : McKeown/ Hulton Archive/ Getty Images

Marguerite Duras

Marguerite Duras écrit Le Ravissement de Lol V. Stein pendant l'été de 1963, enfermée, seule, dans son appartement de l'hôtel des Roches noires à Trouville. Elle a mis un temps à distance sa relation passionnée avec Gérard Jarlot, celui qu'elle surnommera l'Homme menti. Auprès de lui elle a commencé à boire. Elle vient de faire une cure de désintoxication : Le Ravissement de Lol V. Stein est le premier de ses romans écrits sans l'aide de l'alcool, dans la peur d'un état où elle se sent souvent proche de la folie.

En novembre 1964, la publication du livre fait l'objet de nombreux commentaires. Marguerite Duras renoue avec le succès après l'accueil plus réservé fait à Dix Heures et demie du soir en été (1960) et à L'Après-Midi de monsieur Andesmas (1962). Elle est un auteur à la mode : dès 1950, le Barrage contre le Pacifique a frôlé le Goncourt ; Moderato cantabile, en 1958, a remporté un très grand succès de vente. Surtout, les adaptations cinématographiques du Barrage contre le Pacifique par René Clément, de Moderato Cantabile par Peter Brook en 1960 l'ont fait connaître d'un très large public. En 1959, elle a écrit le scénario d'Hiroshima mon amour. Avec Le Ravissement de Lol V. Stein, cependant, sa notoriété prend une forme différente : Jacques Lacan publie un article remarqué sur le livre. « Marguerite Duras, déclare-t-il, s'avère savoir sans moi ce que j'enseigne. » Elle a toujours proclamé sa méfiance à l'égard de la psychanalyse et pourtant elle entre de plain-pied dans son champ avec un livre de lente exploration intérieure, de regard porté sur le cheminement d'un personnage non vers la guérison, mais vers l'expression pleine et entière de sa personne, jusque dans l'abolition du sentiment, l'oubli de soi, l'affirmation de l'impossibilité d'exister par soi-même.

Ravissement et voyeurisme

Autour de la scène inaugurale du Ravissement de Lol V. Stein s'articulent non seulement le roman présent mais également bien des textes en cours – Le Vice-Consul s'annonce (1966) – et à venir. Un bal a lieu à T. Beach. Lol V. Stein, dix-neuf ans, y danse avec son fiancé, Michaël Richardson. Elle lui porte une passion qualifiée de « folle ». Une autre femme, plus âgée et plus belle, entre dans la salle de bal. Porté par une intense émotion, Michaël Richardson s'avance vers Anne-Marie Stretter. Lol suit toute la nuit la danse de son fiancé avec cette autre femme qu'il ne quittera plus. Fascinée par l'entente de ces deux êtres, elle est entrée dans ce « ravissement » qui désigne l'extase mystique. Le chiffre trois a donné une autre réalité à l'amour, à la souffrance de la séparation.

Lol V. Stein épouse Jean Bedford, quitte S. Tahla, sa ville natale. Mère de deux petites filles, elle arrange sa maison dans l'obsession de l'ordre. Quand elle revient à S. Tahla, proche, croit-on, de la guérison, une autre scène conjugue le chiffre trois et la porte dans le même ravissement : elle reconnaît dans la rue son amie d'enfance Tatiana Karl, qui parle avec un homme. Lol V. Stein suit cet homme jusqu'à l'Hôtel des Bois. Elle s'installe dans le champ de seigle, en face de l'hôtel, pour observer les moindres détails de la rencontre de Jacques Hold avec Tatiana : « L'idée de ce qu'elle fait ne la traverse pas. Je crois encore que c'est la première fois, qu'elle est là sans idée d'y être, que si on la questionnait elle dirait qu'elle s'y repose. De la fatigue d'être arrivée là. De celle qui va suivre. D'avoir à en repartir. » C'est Jacques Hold, le narrateur du livre, qui s'exprime ainsi, sur ce regard posé sur son couple et qui représente le seul bonheur d'exister de Lol V. Stein.[...]

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