LE RETOUR (mise en scène L. Bondy)
L’horreur tranquille
Pour peupler ce nid de vipères, Luc Bondy, grand directeur d’acteurs, a réuni une distribution de haut vol. Chacun se révèle maître des moindres nuances d’un langage où ce qui n’est pas dit compte bien plus que ce qui est dit. Méconnaissables derrière leurs maquillages, coiffures et perruques, Louis Garrel et Micha Lescot sont respectivement Joey et Lenny : le premier, crâne rasé, aussi brut que naïf ; le second, collant à sa peau de « gouape » cynique. Jérôme Kircher est Teddy, l’intellectuel introverti et passif, sournoisement retors. Pascal Greggory campe un stupéfiant oncle Sam, étriqué, le corps déformé avec son gros ventre, ses jambes grêles, sa moumoute d’occasion sur la tête. Bruno Ganz complète ce quintette d’hommes en perdition. Il est Max, le patriarche tyrannique et colérique, impressionnant de puissance, d’autant plus terrifiant qu’il ne se dépare jamais d’une simplicité et d’un sourire bonhommes.
Enfin, il y a Emmanuelle Seigner, Ruth, la « femme » insaisissable. Victime consentante, à moins qu’elle ne soit celle qui mène le bal, « maîtresse de son destin », comme l’a déclaré Pinter en 1968, « esprit indépendant » à qui « nul ne peut dire ce qu’elle doit faire ».
Sous l’effet de leur jeu, se réveille la sourde violence d’un théâtre inquiétant. Au détour d’une phrase en apparence sans conséquence, se révèle, dans sa vérité crue, la part d’ombre que chacun porte en soi.
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
Classification
Média