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LE RÊVE DE D'ALEMBERT, Denis Diderot Fiche de lecture

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Le Rêve de d’Alembert est un dialogue philosophique de Denis Diderot(1713-1784).Il s’agit à l’origine de l’intitulé de la partie centrale d’un triptyque commençant par l’« Entretien entre d’Alembert et Diderot » et s’achevant par la « Suite de l’entretien précédent ». Ces trois textes étant difficilement dissociables, c’est l’ensemble que l’on désignera par ce titre. Quatre personnages, bien réels, y sont réunis : Diderot (dans le premier dialogue) ; le mathématicien et philosophe Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783), ami de l’auteur et codirecteur avec lui de L’Encyclopédie ; sa maîtresse Julie de l’Espinasse (1732-1776), qui tient alors un célèbre salon parisien ; et le médecin Théophile de Bordeu (1722-1776).

Rédigé en 1769, l’ouvrage ne fut publié dans son intégralité qu’en 1830, et circula peu du vivant de Diderot, tant en raison de l’audace des idées exposées que du mécontentement du couple L’Espinasse-d'Alembert, qui n’apprécia guère qu’on le fît paraître ainsi sans son accord, et de surcroît en lui prêtant des propos embarrassants. Il reste que Le Rêve de d’Alembert, si déstabilisant soit-il, est tenu pour un témoignage exemplaire de l’art et de la pensée de Diderot.

« Tous les êtres circulent les uns dans les autres »

Le texte intitulé « Le rêve de d’Alembert » le deuxième donc se présente sous la forme d’une conversation entre Julie de L’Espinasse et Théophile de Bordeu en présence de d’Alembert, alité, encore à moitié endormi. Julie, qui l’a veillé et entendu « délirer » dans son sommeil, rapporte à son médecin le « galimatias » qu’elle vient de consigner par écrit. Au cours du dialogue, d’Alembert va émerger par intermittence de sa somnolence, tout en poursuivant son rêve.

Le contenu de celui-ci, sous son abord décousu et déconcertant, fait directement écho à la discussion que Diderot a eu précédemment avec son ami. Au dualisme cartésien de d’Alembert, qui suppose la séparation du corps et de l’esprit, il a opposé la thèse d’une unité de l’Univers associant en un mouvement permanent les règnes minéral, végétal et animal. Ainsi la statue de marbre réduite en poudre se mêle-t-elle à la terre, nourrissant la plante dont l’homme se nourrit à son tour ! Mais comment, sans avoir recours à la volonté d’une « intelligence suprême » – autrement dit, de Dieu –, expliquer la naissance de la vie ? La réponse est… la sensibilité, propriété fondamentale de la matière. Que celle-ci soit inerte (« il faut que la pierre sente ») ou active est finalement secondaire, puisque la transmission s’opère constamment de l’une à l’autre.

Peu convaincu mais troublé, d’Alembert est allé se coucher. Dans son sommeil, loin de s’opposer aux théories déroutantes de son ami, il va sembler au contraire prolonger sa réflexion en revenant à la question de l’origine et de l’unité du moi. Il y apporte même un début de réponse, à travers l’image de l’essaim d’abeilles, où les insectes sont tellement liés par la sensibilité qu’ils finissent par former un tout : « Celui qui n’aurait jamais vu une pareille grappe s’arranger serait tenté de la prendre pour un animal à cinq ou six cents têtes et à mille ou douze cents ailes. » Il s’agit bien ici, plus largement, de postuler la continuité des éléments plutôt que leur contiguïté, de supposer l’existence d’un « réseau homogène de molécules », en mutation et interpénétration continues, prises dans un « flux perpétuel ». « Tout change. Tout passe. Il n’y a que le Tout qui reste. » Le Tout, c’est-à-dire la matière éternelle : « Naître, vivre et trépasser, c’est changer de forme. » Ce transformisme généralisé amène Mlle de l’Espinasse et surtout Bordeu à remettre en cause l’antinomie entre le « normal[...]

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