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LE ROI LEAR, William Shakespeare Fiche de lecture

La mort de Cordélia, ou l'anti-Providence

Le dénouement, cependant, semble ramener quelque justice et indiquer l'intervention d'une Providence divine enfin retrouvée, dans un monde livré au chaos provoqué par la querelle entre les deux sœurs. En effet, Cordélia, devenue reine de France, revient dans le royaume à la tête d'une armée pour sauver son père. Mais elle est vaincue par celle de Régane et de Goneril que commande Edmond, figure machiavélique de la pièce, qui jette Lear et sa fille en prison, et provoque involontairement la mort des deux sœurs qui se disputent son amour. C'est alors qu'Edgar vainc son demi-frère en duel singulier, avec le soutien du duc d'Albany, époux bafoué de Goneril, qui décide de prendre le parti du roi. Le « jugement des cieux » (V, 3) semble juste, mais le monde promis par Albany et Edgar ne sera pas : par le simple et dérisoire effet d'un « oubli » d'Edmond, Cordélia a été assassinée. Paraît alors Lear, portant son enfant dans ses bras. Dans ce moment d'une intensité tragique absolue, le langage paraît impuissant à dire l'horreur du sacrifice inutile : « Est-ce là la fin promise ? », s'exclame Kent, qui semble se faire l'écho de toute l'assistance. La tragédie aboutit à l'inexplicable : la mort imprévisible de celle qui, par son innocence, aurait pu racheter l'humanité tout entière. La restauration de l'ordre politique promise par Edgar n'a guère de poids comparée à la souffrance de Lear, dont les dernières paroles, avant qu'il ne meure de chagrin, résonnent longtemps dans le silence d'une scène dévastée : « Pourquoi un chien, un cheval, un rat auraient-ils la vie,/ Et toi plus un souffle ? Tu ne reviendras plus,/ Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais » (V, 3).

— Line COTTEGNIES

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis

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Médias

<em>Le Roi Lear </em>de W. Shakespeare, mise en scène de Deborah Warner - crédits : Robbie Jack/ Corbis/ Getty Images

Le Roi Lear de W. Shakespeare, mise en scène de Deborah Warner

<em>Le Roi Lear </em>de W. Shakespeare, mise en scène d'Olivier Py - crédits : Jean Marc Zaorski/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Le Roi Lear de W. Shakespeare, mise en scène d'Olivier Py

Autres références

  • SHAKESPEARE WILLIAM (1564-1616)

    • Écrit par
    • 8 303 mots
    • 5 médias
    On peut aller plus loin encore dans l'exploitation des ravages de la déraison. Dans Le Roi Lear (King Lear, 1605-1606), elle atteint la démesure, qu'il s'agisse du royaume, de la famille, ou des destinées individuelles. Le jugement est aveuglé au départ par le mensonge et l'hypocrisie, et c'est l'erreur...