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LE ROI SE MEURT, Eugène Ionesco Fiche de lecture

Le roi se meurt est une pièce de théâtre d'Eugène Ionesco (1909-1994), créée le 13 décembre 1962 à l'Alliance française à Paris, dans une mise en scène de Jacques Mauclair. Ionesco est alors un auteur consacré. Malgré le succès médiatique et critique du « théâtre de l'absurde », l'associant, avec plus ou moins de pertinence, à Arthur Adamov et Samuel Beckett, le cercle des admirateurs de La Cantatrice chauve (1950) et de la vingtaine de pièces suivantes (entre autres, La Leçon, en 1951, ou Les Chaises, en 1952) était resté relativement étroit. Néanmoins, depuis le triomphe public de Rhinocéros (1959), Ionesco est joué désormais dans les plus grandes salles françaises (dont la Comédie-Française en 1966) et étrangères. Le roi se meurt est sa dernière grande création, son chef-d’œuvre pour certains. Applaudie par le public, elle est également bien accueillie par la critique, même si plusieurs voix déplorent le retour du dramaturge à un certain classicisme.

« Un apprentissage de la mort »

La pièce, constituée d'un acte unique, compte six personnages, tous présents sur scène à l'exception du début et de la fin : le roi Bérenger Ier (nom déjà donné au personnage principal de Tueurssans gages et de Rhinocéros) ; sa première épouse, Marguerite ; sa seconde épouse, Marie ; le « Médecin », également « chirurgien, bactériologue, bourreau et astrologue » ; Juliette, femme de ménage et infirmière ; et un garde. Le rideau s'ouvre sur un débat au sein de l'entourage du roi : comment lui annoncer sa mort imminente ? Marguerite et le médecin sont d’avis de le faire brutalement et sans attendre ; Marie, éplorée, garde l'espoir d'une autre issue et demande à gagner du temps.

Michel Bouquet - crédits : Photo Lot

Michel Bouquet

Dès l'apparition de Bérenger, c'est Marguerite qui se charge, froidement, de l'informer : « Tu vas mourir dans une heure et demie, tu vas mourir à la fin du spectacle. » La première réaction de l'intéressé est l'incompréhension et l'incrédulité scandalisée. Cependant, face à la multiplication des signes aussi bien extérieurs (ministres noyés, collision de planètes, démographie en berne...) que personnels (faiblesse, courbatures, paralysie...), le déni cède bientôt la place à la rage impuissante, puis à la terreur et à la supplication (« Je vous en prie, ne me laissez pas mourir »).

Viennent ensuite les regrets de ne pas s'être préparé, tout au long des 277 ans qu'a duré son règne : « Je suis comme un écolier qui se présente à l'examen sans avoir fait ses devoirs. » Roi nu, déchu de son pouvoir, Bérenger prend soudain conscience de la fuite du temps et de la brièveté de la vie (« Je n'ai pas eu le temps »). Devant la succession de ces états, Marguerite et le médecin demeurent inflexibles et lui enjoignent d'accepter son sort dignement et stoïquement, tandis que Marie garde foi dans la force de son amour : « Si tu as l'amour fou, si tu aimes insensément, si tu aimes absolument, la mort s'éloigne ».

Bérenger se remémore avec nostalgie les instants heureux, puis perd peu à peu tout contact avec la réalité, passée et présente. Oublieux de ses hauts faits, il ne se souvient plus que « d'un petit chat tout roux ». Comme la fin approche, les personnages quittent la scène les uns après les autres ; seule reste Marguerite qui l'accompagne et l'encourage dans ses derniers instants, avant de partir à son tour, tandis que disparaissent progressivement les éléments du décor – portes, fenêtres, murs – et, finalement, « dans une sorte de brume », Bérenger lui-même.

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Média

Michel Bouquet - crédits : Photo Lot

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Autres références

  • IONESCO EUGÈNE (1909-1994)

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    ...l'épuisement et la chute. Ces accumulations, ces proliférations monstrueuses se résolvent enfin dans le néant, qu'il s'exprime par la lévitation clownesque d'Amédée ou, plus directement, par la mort, comme dans Le roi se meurt (1962), où il s'agit d'une prolifération de fissures et d'éparpillements.