LE ROMAN COMIQUE, Paul Scarron Fiche de lecture
Ex-abbé galant devenu libertin parisien difforme (une tuberculose osseuse eut raison de son apparence), Paul Scarron (1610-1660) cultive le genre burlesque. Proche de la Fronde, puis protégé de Fouquet, enfin époux de Françoise d'Aubigné – future marquise de Maintenon, épouse morganatique de Louis XIV –, il accumule les déconvenues. Mais il a la réputation de faire face par le rire et la dérision (on le moque, il se moque). Scarron sait jouer du décalage, de la parodie du style épique et du roman héroïque. Dans Le Roman comique (1651-1657), il utilise le style burlesque en orfèvre pour jouer de l'opposition entre le haut et le bas, les réalités sordides, les mots du registre populaire, et la dignité que ses personnages sont censés vouloir conserver.
L'arrivée des comédiens au Mans
Le roman est composé en deux parties : l'une (23 chapitres, 1651) est dédiéé « au coadjuteur », le cardinal de Retz, frondeur magnifique ; l'autre (20 chapitres, 1657) « à la surintendante », l'épouse de Fouquet, dernier grand mécène privé et futur exilé. L'ensemble est inachevé, l'auteur étant mort sans avoir conclu son histoire. L'argument en est simple : une troupe de comédiens, qui rêve de jouer fièrement la tragédie, se trouve prise dans des accidents sordides. Le roman est donc doublement comique : divertissant, il a aussi rapport à la comédie, ce qui lui permet d'être à la fois irrespecteux, réaliste et novateur : le mot roman était jusqu'alors réservé au monde merveilleux et épique, à l'opposé des histoires clairement parodiques par rapport à cet univers du « grand roman ». Destin et Mlle de l'Étoile, les deux jeunes premiers, devenus acteurs pour échapper à de dangereux poursuivants de convention, vont être plongés dans un univers médiocre et bas : celui de l'avocat Ragotin, nabot ridicule et prétentieux, du lieutenant La Rapinière, du baron de Sigognac, tyran du Périgord, ou de la Biche, hôtesse accorte, nymphe tavernière.
L'histoire raconte donc comment la troupe des comédiens fait son entrée dans la ville du Mans, où elle va semer un grand trouble parmi les galants. La Caverne (une femme), le Destin (un jeune homme en guenilles) et la Rancune (un vieillard) arrêtent leur charrette devant une auberge sordide et souhaitent échanger un lit et un souper contre un échantillon de leur répertoire. « La charrette était pleine de coffres, de malles et de gros paquets de toiles peintes qui faisaient comme une pyramide au haut de laquelle paraissait une demoiselle habillée moitié ville, moitié campagne. Un jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine, marchait à côté de la charrette. [...] Il portait des chausses troussées à bas d'attaches, comme celles des comédiens quand ils représentent un héros de l'antiquité, et il avait, au lieu de souliers, des brodequins à l'antique que les boues avaient gâtés jusqu'à la cheville du pied. Un vieillard vêtu plus régulièrement, quoique très-mal, marchait à côté de lui. Il portait sur ses épaules une basse de viole et, parce qu'il se courbait un peu en marchant, on l'eût pris de loin pour une grosse tortue qui marchait sur les jambes de derrière. » Les autres comédiens suivront, mais plus tard, puisqu'ils sont retenus à la suite d'une rixe. Là est le point de départ. Le reste de la fiction s'ordonne autour des deux personnages romanesques (Destin et l'Étoile), d'une part, et des autres comédiens – Angélique, Roquebrune, l'Olive – toujours enclins à se battre, et à « emprunter » des habits et des biens pour leur art et pour eux-mêmes. Leurs infortunes diverses (en particulier celles de Ragotin, amoureux transi de l'Étoile), les multiples facéties, ou épisodes farcesques empruntés aux fabliaux, aux histoires italiennes et espagnoles comme aux romans picaresques, répondent aux détours et aux rebondissements du roman des tourtereaux, parmi lesquels un inévitable[...]
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
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SCARRON PAUL (1610-1660)
- Écrit par Antoine ADAM
- 1 339 mots
En 1648, Scarron décida d'écrire un roman. La première partie de l'œuvre parut en 1651, la deuxième en 1657. Intitulée Le Roman comique, elle demeurait inachevée. Une troisième partie aurait dû s'y ajouter. Scarron mourut avant de l'avoir écrite.