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LE ROMAN DE RENART (anonyme) Fiche de lecture

Le Roman de Renart rassemble vingt-six récits brefs, parfois désignés au Moyen Âge comme « branches ». Composés entre 1175 et 1250 par des auteurs différents et présentant une très grande diversité de ton, ces récits ont pu être disposés dans les manuscrits de manière à former une sorte de « biographie » du héros. Cet ensemble disparate est néanmoins fondé avec constance sur le principe de la série : chaque épisode s'organise autour du personnage de Renart, de sa famille directe et de ses relations mouvementées avec les animaux qui peuplent la cour de Noble le lion et de la reine Fière : Ysengrin le loup et Hersent, son épouse, Brun l'ours, Tibert le chat, Chanteclerc le coq, etc. Peuvent également intervenir des humains, en majorité des paysans et des curés de campagne, aux prises avec le goupil.

Du conte à la parodie de roman courtois

L'origine des plus anciennes branches est très débattue. Il faut aussi bien supposer des sources orales, folkloriques, mettant en scène des animaux, que des sources savantes comme les fables ésopiques (dont il existe au Moyen Âge des traductions en français), ou encore l'Ysengrimus, poème latin centré sur le loup et composé vers 1150. Mais les auteurs des différentes branches sont aussi de très bons connaisseurs de la littérature de leur temps, qu'ils exploitent sur le mode parodique : Noble le lion tient sa cour, convoque ses vassaux, rend la justice comme le roi Arthur ou Charlemagne ; les affrontements entre animaux revêtent des accents épiques ; Renart sait habilement singer les comportements courtois. La rime Renart/ art, très fréquente dans les prologues des branches, met en résonance la ruse du goupil et l'habileté langagière de conteurs qui entendent, comme le souligne le prologue de la branche II, rivaliser avec les romans antiques et le roman courtois : « Seigneurs, beaucoup de conteurs/ vous ont raconté beaucoup d'histoires :/ l'enlèvement d'Hélène par Pâris,/ le malheur et la souffrance qu'il en a retirés ;/ les aventures de Tristan/ d'après le beau récit de la Chèvre,/ des fabliaux et des chansons de geste./ On raconte aussi dans ce pays/ l'histoire d'Yvain et de sa bête./ Cependant, jamais vous n'avez entendu raconter/ la terrible guerre/ entre Renart et Isengrin,/ une guerre terriblement longue et acharnée. »

Les plus anciennes branches (II à Va), composées entre 1175 et 1177, donnent les récits les plus connus : les bons tours joués par Renart au coq, au chat, au corbeau, à la mésange, ainsi que l'épisode fondateur du viol de la louve par le goupil. L'auteur de la branche I (ainsi dénommée parce qu'elle est copiée en premier dans la majorité des manuscrits), composée vers 1179, se propose, lui, de combler une lacune dans le récit de son prédécesseur (un certain Pierre de Saint-Cloud) en contant le « Jugement de Renart », convoqué à la cour de Noble pour répondre du viol d'Hersent la louve. Un Renart qui, dans la branche Ia, parvient à échapper à la condamnation à mort et à relancer ainsi le récit. À l'exception de la branche I, la plupart des branches reproduisent le modèle circulaire du roman arthurien en vers : le récit commence avec le départ en quête du héros – mais la quête est ici recherche de nourriture, motivée par la faim. Son périple achevé, il rentre à son repaire, Maupertuis, le bien nommé « mauvais trou ». Aux aventures chevaleresques se substituent les bons tours inventés par le goupil qui joue de manière rusée, sournoise, le plus souvent très cruelle, avec la bêtise, la vanité, l'avidité des autres animaux, leur propension à se laisser berner par leurs désirs et leurs vices. Que ne ferait Brun l'ours pour se délecter d'un miel imaginaire ou Ysengrin pour se repaître d'anguilles !

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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