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LE ROMAN DE TYLL ULESPIÈGLE (D. Kehlmann) Fiche de lecture

« Tout est inventé, donc tout est vrai », pourrait-on dire de ce récit, pour rependre une phrase de l’écrivain allemand Wolfgang Hildesheimer (1916-1991). Tout est inventé, à commencer par la figure éponyme du roman, Tyll Ulespiègle, qui n’est pas sans rappeler Till Eulenspiegel, saltimbanque qui aurait vécu en Saxe dans la première moitié du xive siècle. Bien qu’il n’y ait aucune preuve de l'existence de ce personnage, il est devenu l’incarnation littéraire du bouffon, à tel point que son nom allemand, Eulenspiegel, a donné en français le mot « espiègle ». Ce qui explique sans doute le parti pris de la traductrice, Juliette Aubert, de faire ressortir ce nom dans le titre français (Le Roman de TyllUlespiègle, Actes Sud, 2020), alors que celui de l’ouvrage original paru en 2017 est simplement Tyll.

La chouette et le miroir

Till l’Espiègle - crédits : Culture Club/ Hulton Archive/ Getty Images

Till l’Espiègle

Non content de reprendre une figure à l’existence controversée, Daniel Kehlmann vient placer ce personnage emblématique de la farce médiévale au tout début du xviie siècle, durant ce qu’on appelle la guerre de Trente Ans (1618-1648), ce conflit qui mit l’Europe à feu et à sang et décima les deux tiers de la population de l’Allemagne de l’époque. Une Allemagne transformée en un immense champ de bataille où venaient s’affronter toutes les armées d’Europe à l’exception de celles d’Angleterre et de Russie. Jacques Callot en a donné des images saisissantes avec ses gravures sur Les Grandes Misères de la guerre. Daniel Kehlmann en propose, lui, un récit haut en couleur. C’est en effet cette transposition anachronique qui confère toute sa puissance et sa vérité à ce splendide roman. Le bouffon, dont les deux emblèmes sont la chouette (Eule en allemand), symbole de la sagesse, et le miroir (Spiegel, les deux mots accolés donnant Eulenspiegel) qui renvoie à l’image que reflète cet objet tendu à ses contemporains, montre tour à tour les misères et le merveilleux, les drôleries et les cruautés d’une époque, comme si sa véritable place était bien celle que lui assigne l’auteur dans l’histoire.

Tyll est partout et nulle part. Libre, il traverse le livre en dansant et bonimentant, apparaissant et disparaissant comme pour mieux laisser voir cette époque de guerre de religions, entre un catholicisme décadent et un protestantisme qui sert souvent de prétexte pour renforcer un pouvoir temporel. S’il n’a pas de rôle majeur dans tous les chapitres, Tyll est la figure qui fait le lien entre tous les événements rapportés, à commencer par celui qui va décider de son destin, la mort de son père.

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Till l’Espiègle - crédits : Culture Club/ Hulton Archive/ Getty Images

Till l’Espiègle