LE ROMAN EXPÉRIMENTAL, Émile Zola Fiche de lecture
L'ouvrage, édité en 1880 chez Charpentier sous le titre Le Roman expérimental, est un recueil d'articles parus d'abord, pour la plupart, dans Le Messager de l'Europe, revue littéraire de Saint-Pétersbourg, avant d'être repris en France dans Le Bien public ou Le Voltaire. Impressionné par la lecture de l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard, Émile Zola (1840-1902) y radicalise la doctrine naturaliste dont il est devenu, depuis quelques années, et en partie malgré lui, le chef de file et le principal porte-parole. Cet hymne au positivisme est généralement considéré aujourd'hui comme une illustration des excès du scientisme, en particulier appliqué à l'art. Le Roman expérimental n'en constitue pas moins un témoignage important de ce que fut, en cette fin de xixe siècle, une certaine « modernité », à la fois esthétique, morale et politique.
« Des manifestes écrits dans la fougue même de l'idée »
Le premier et le plus long article, qui donne son titre au recueil, a été publié dans Le Messager de l'Europe en août 1879, puis, le mois suivant, dans le quotidien Le Voltaire, en même temps que les premiers épisodes de Nana. Zola propose ici d'appliquer au roman la méthode théorisée par Claude Bernard en médecine. Le romancier du futur soumettra donc ses personnages à des expériences qu'il se contentera d'observer afin de mettre au jour les ressorts des comportements, déterminés par l'hérédité et par le milieu.
Le deuxième article, « Lettre à la jeunesse », en réalité antérieur au précédent, a paru d'abord dans Le Messager de l'Europe en mai 1879, puis, le même mois, dans Le Voltaire. Zola y saisit l'occasion de la première représentation de Ruy Blas à la Comédie-Française et de la réception d'Ernest Renan à l'Académie pour se livrer à une attaque en règle contre les rhétoriques romantique et idéaliste, auxquelles il oppose le modèle de Claude Bernard. Suit une défense et illustration du naturalisme, « cette formule de la science moderne appliquée à la littérature ».
Dans « Le Naturalisme au théâtre » (Le Messager de l'Europe, janvier 1879 ; Le Voltaire, avril 1879), Zola revient sur l'origine et l'histoire du mot « naturalisme », dont les « pères » sont Diderot, Balzac et Stendhal. Passant au genre dramatique, il fustige les auteurs contemporains, et en appelle à la création d'un théâtre naturaliste, qui, contrairement au roman, reste à inventer.
« L'Argent dans la littérature » (Le Messager de l'Europe, mars 1880 ; Le Voltaire, juillet 1880) est l'esquisse d'une sociologie de la littérature : aux écrivains des siècles passés, soumis aux volontés des Grands et occupés à de stériles querelles de salons et d'académies, Zola oppose les auteurs contemporains, qui peuvent désormais s'enrichir par l'écriture ; ce qui, contrairement à une idée reçue, représente plutôt un facteur d'indépendance et de créativité.
« Du roman » réunit une série de huit études parues dans Le Voltaire en 1878. Le plaidoyer pour le naturalisme prend ici notamment la forme d'une recherche de « patronages », passés (Stendhal et Balzac, toujours, mais aussi Saint-Simon) et présents (Flaubert, Taine, les Goncourt). Zola trouve chez certains jeunes auteurs (Léon Hennique, Paul Alexis, Joris-Karl Huysmans) des échos à ses propres préoccupations.
Dans « De la critique » (Le Bien public et Le Voltaire, avril 1878-août 1880), Zola passe en revue divers textes de critiques, les uns pour les corriger ou les compléter (Edmond Duranty, Sainte-Beuve), les autres (Charles Bigot, Armand Silvestre, Chaudes-Aigues, Jules Janin) pour répondre aux accusations d'immoralité qui ont pu être lancées contre lui.
Enfin « La République[...]
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
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...: c'est la thèse d'Émile Zola, qui emprunte au physiologiste Claude Bernard la notion de « méthode expérimentale » pour la transposer au roman (Le Roman expérimental, 1880). Le terme réalisme étant devenu suspect, il impose à la place celui de naturalisme, dont il va donner le chef-d'œuvre...