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LE ROUGE ET LE NOIR (Stendhal) Fiche de lecture

Stendhal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Stendhal

Julien Gracq a magnifiquement évoqué la « tranquille insurrection intellectuelle et affective » qui s'empare de quiconque ouvre Le Rouge et le Noir. Grand classique du roman du xixe siècle, le livre dépasse largement le cadre du réalisme qui semble le caractériser alors même que Stendhal (1783-1842), proche des désinvoltes et des burlesques (Fielding, Sterne ou Diderot), s'adressait directement à son lecteur quand il prétendait écrire une « Chronique de 1830 », et traitait les grandes questions du temps – l'argent, la promotion sociale – « sur le pur mode des contes de fées » (J. Gracq).

Il inventait ainsi ce que Georges Blin a justement appelé un « réalisme subjectif » dont Le Rouge et le Noir offre l'exemple le plus abouti, en faisant se marier l'égotisme ou l'intrusion de l'auteur avec une charge politique et sociale d'autant plus efficace qu'elle s'accompagne de la création de personnages inoubliables, qui ont l'élégance de ne pas se figer dans la glu d'un type ou d'un caractère.

Un crime passionnel sous la Restauration

L'œuvre prend sa source dans La Gazette des tribunaux dont Stendhal est un fervent lecteur. Le romancier mêlera deux affaires : celle d'Antoine Berthet, malheureux jeune homme exécuté à Grenoble en 1828 alors qu'il n'avait fait que blesser sa victime – mais en tirant pendant la messe, lui l'ancien séminariste, et celle de l'ébéniste Lafargue, qui ne fut condamné qu'à cinq ans de prison après avoir indéniablement fait passer de vie à trépas son infidèle maîtresse – mais Lafargue était un héros « positif » et populaire, et le crime passionnel bénéficiait à nouveau, après la parenthèse révolutionnaire, de véritables circonstances atténuantes. Héros du Rouge et le Noir, Julien Sorel empruntera au premier sa triste destinée et au second une gloire posthume savamment orchestrée par un écrivain qui se prépare à n'être lu qu'en 1880.

Stendhal situe l'action sous la Restauration, à Verrières, petite ville de Franche-Comté. Dans son milieu natif, comme plus tard dans ceux qu'il traversera, Julien apparaît comme une « personne déplacée ». Le jeune homme aux « grands yeux noirs » n'a décidément rien de commun avec son père, le « scieur de planches » qui déplore sa fragile constitution et sa passion de la lecture – Le Mémorial de Sainte-Hélène est le bréviaire de Julien, enfant bercé par les conquêtes napoléoniennes, qui doit se résoudre à entrer dans les ordres. M. de Rênal, maire ultra de Verrières, décide d'engager le jeune séminariste comme précepteur de ses enfants. Julien s'impose rapidement dans ses nouvelles fonctions : « Les enfants l'adoraient, lui ne les aimait point ; sa pensée était ailleurs. » Mme de Rênal est vivement impressionnée par Julien dès leur première rencontre. À Vergy, résidence de campagne de la famille, l'intrigue se noue : Julien sera l'amant de Mme de Rênal, car il l'a décidé. L'idylle s'interrompt avec la maladie du plus jeune fils, que sa mère interprète comme une punition divine. Le protecteur de Julien, le bon curé Chélan, l'envoie au grand séminaire de Besançon, où le jeune homme passe une année et se lie peu à peu avec son directeur, l'abbé Picard. Quand ce dernier se voit confier une cure près de Paris, son protégé obtient un poste de secrétaire auprès du marquis de La Mole, puissant seigneur franc-comtois établi dans la capitale.

La seconde partie du livre est d'abord parisienne. Julien conquiert le marquis par son esprit et sa culture, mais c'est son caractère et son originalité qui troublent sa fille Mathilde. Émois, brouilles, haines et jalousie vont peupler leur relation tumultueuse qui aboutira au triomphe de Julien lorsque le marquis, apprenant que[...]

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Écrit par

  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée

Classification

Média

Stendhal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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