LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, J. R. R. Tolkien Fiche de lecture
Une longue genèse
Après le succès inattendu du Hobbit (1937), destiné au départ aux propres enfants de l’auteur, les éditions Allen & Unwin passent commande auprès de Tolkien d’une « suite », qui finalement devient un « monstre » de mille pages, rédigé en une dizaine d’années. Les brouillons édités par Christopher Tolkien, le fils de l’écrivain, dans L’Histoire de la Terre du Milieu, montrent qu’au fil des « phases » d’écriture, le roman, d’abord situé dans la continuité du Hobbit, s’est retrouvé sous l’attraction de textes plus anciens, rédigés depuis 1916-1917 par un Tolkien passant de la prose aux vers, pour raconter l’histoire de Beren et Lúthien, l’existence maudite de Túrin…, autant de légendes qui forment Le Silmarillion, toile de fond du nouveau roman. Le Seigneur des anneaux se déroulant en 3018-3019 du Troisième Âge de ce monde, les aperçus et allusions au passé viennent ainsi lui donner une profondeur historique inégalée.
Récit d’une quête, il est aussi le résultat de la quête d’un récit : aux épreuves de Sam et Frodo peinant à atteindre le but de leur périple répond un travail de forcené, souvent nocturne, Tolkien luttant pour écrire, entre ses tâches universitaires à Oxford et les difficultés causées par la Seconde Guerre mondiale. Ce roman, qui constitue le pendant de l’essai Du conte de fées (1939, publié en 1947), dans lequel Tolkien expose ses conceptions sur la littérature, est alors connu du cercle de ses collègues écrivains, les Inklings – parmi lesquels figurent C. S. Lewis et Charles Williams –, ainsi que de son fils Christopher, qui tape les brouillons à la machine avant de dessiner des cartes. Le volume entier est d’ailleurs « adressé » à celui-ci, y compris sous forme de feuilleton lorsqu’il apprend le pilotage dans la Royal Air Force.
Puis, l’étape de la publication prend elle-même des années, Tolkien essayant d’obtenir la parution conjointe du Silmarillion (inachevé) et du Seigneur des anneaux, les deux formant à ses yeux un cycle. L’écrivain doit toutefois accepter de faire paraître le seul Seigneur des anneaux, en trois parties, malgré son unité profonde. Les trois tomes (La Fraternité de l’anneau, Les Deux Tours et Le Retour du roi) sont publiés en 1954 et 1955, après des arbitrages importants : retrait de l’épilogue envisagé et des trois pages en fac-similé du « Livre de Mazarbul », texte fictivement écrit par des personnages et censé donner du poids à la « vraisemblance » historique ; préparation des « Appendices » à partir de textes narratifs et historiques sur les peuples de la Terre du Milieu, les langues...
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Écrit par
- Vincent FERRÉ : professeur des universités, Paris 3 Sorbonne nouvelle
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