LE SIÈCLE DES LUMIÈRES, Alejo Carpentier Fiche de lecture
L'utopie malgré tout
Victor Hugues fait irruption dans la vie de trois jeunes Cubains qui, après la mort de celui qui était respectivement leur père et tuteur, vivent dans leur grande demeure de La Havane comme un trio d'« enfants terribles » : Carlos, sa sœur Sofia, et leur jeune cousin Esteban. Il sera le mentor d'Esteban dans le dédale de la révolution, celui-ci entreprenant à son instigation un voyage initiatique qui le conduira de La Havane à Paris, puis à la Guadeloupe, en Guyane et à Paramaribo dans les Antilles hollandaises, et à nouveau à La Havane, pour finir à Madrid, où il disparaîtra, vraisemblablement massacré par les troupes napoléoniennes lors du soulèvement populaire du 2 mai 1808 immortalisé par Goya (certains titres des Désastres de la guerre servent d'ailleurs d'épigraphes à différents chapitres du livre). Quant à Sofia, elle découvrira son corps et sa propre sensualité sous les caresses de Victor Hugues, mais se séparera de lui lorsqu'il sombrera dans le cynisme et la mégalomanie. Elle aussi se sacrifiera lors de l'insurrection madrilène. Comme Victor Hugues, elle agit, mais non pas au nom de l'Ordre et de l'Orthodoxie : elle donne sa vie pour la Liberté.
Cette fin dans l'anonymat d'un massacre collectif est emblématique de la pensée de Carpentier : par-delà le chaos des événements historiques, où l'homme est souvent piétiné et écrasé, par-delà le retour cyclique des « grands cataclysmes, des révolutions telluriques », l'élan qui porte l'humanité perdure, et les Idées qui la meuvent ne disparaissent jamais. « Les mots ne tombent pas dans le vide », dit une phrase du Zohar placée en exergue du Siècle des Lumières.
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Écrit par
- Claude FELL : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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