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LE SONGE D'UNE NUIT D'ÉTÉ, William Shakespeare Fiche de lecture

Une réflexion sur le théâtre

Le Songe d'une nuit d'été est une pièce inclassable, où le merveilleux le dispute au comique. C'est une méditation sur les pouvoirs du rêve et de l'imagination face à l'arbitraire de la loi, qui donne une forme dramatique à l'intuition de l'inconscient. Ainsi, la forêt permet aux jeunes gens d'échapper aux rigueurs de la loi familiale et civile et, lieu de tous les aveuglements, de donner libre cours aux passions les plus débridées. Ces expériences-limites, bornées finalement par le retour à la vie réelle au réveil, semblent permettre la libération de leurs pulsions. Rendus à la cour d'Athènes, les jeunes amants paraissent avoir effectué les ajustements nécessaires à la vie sociale, ne gardant de leurs excès nocturnes qu'un souvenir lointain.

Mais il s'agit surtout d'une réflexion sur le théâtre : par la pièce des sympathiques artisans, scène de « théâtre-dans-le-théâtre » qui reprend sur le mode burlesque le thème de l'amour contrarié, Shakespeare se moque d'une conception naïve de l'art théâtral, excessivement réaliste. Ainsi les artisans s'acharnent, par exemple, à détruire toute illusion dramatique pour éviter que leur public ne soit terrorisé par leur faux lion – un artisan revêtu d'une peau de bête. Ce théâtre burlesque, parmi les scènes les plus drôles de toute l'œuvre de Shakespeare, renforce par contraste l'illusion de réalité qui permet au reste de la pièce d'emporter l'adhésion. Shakespeare s'y montre au sommet de son art : tout est représentable, semble-t-il nous dire, y compris le magique et le surnaturel, par le simple jeu sur l'imaginaire du spectateur. Car ainsi que le déclare Thésée dans sa fameuse tirade (acte V, scène 1) qui célèbre les pouvoirs de l'imagination, le poète, comme l'amant ou le fou, a des pouvoirs visionnaires qui lui permettent de courir « du ciel à la terre et de la terre au ciel », et par la force d'évocation de faire exister une chose absente : « Comme l'imagination prête un corps aux choses inconnues, la plume du poète leur donne une figure, et assigne à ces bulles d'air un lieu dans l'espace et un nom. »

— Line COTTEGNIES

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis

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