LE SURRÉALISME ET LA PEINTURE, André Breton Fiche de lecture
Avec Le Surréalisme et la peinture, publié en 1928 par la N.R.F., André Breton (1896-1966), poète et théoricien du surréalisme, précise la position du mouvement à l'égard de l'expression plastique. Très tôt, en effet, la question de l'existence d'une peinture surréaliste s'est imposée dans les débats du groupe, tandis que les expérimentations menées par certains artistes révélaient une claire parenté d'intention avec les recherches littéraires. Le silence réservé et prudent du Manifeste du surréalisme paru en 1924 – la peinture n'y était pas mentionnée – n'était dès lors plus tenable. En 1928, donc, et sans toutefois évoquer directement l'idée d'une peinture surréaliste, Breton balise le champ à explorer par la peinture, convoque les grands éclaireurs de ces voies nouvelles et dresse un premier panorama du surréalisme en peinture.
Territoires du regard
Le texte s'ouvre sur l'une des plus célèbres déclarations de Breton – « L'œil existe à l'état sauvage » ; les réflexions qui suivent développent et éclairent le sens de cette phrase inaugurale et lapidaire. Elles se déploient en trois temps à la fois distincts et pris dans un même souffle. D'abord, une méditation générale sur le regard et l'état actuel des arts visuels, où Breton, reconnaissant la vision comme la faculté qui, « presque par-dessus toutes les autres, me donne barre sur le réel, sur ce qu'on entend vulgairement par le réel », affirme la nécessité d'en « [dresser] l'échelle », d'en délimiter le domaine afin d'en explorer les confins. Au nom de cette exigence, l'art illusionniste dont regorgent les musées se trouve définitivement disqualifié, la rue disposant en la matière « de mille plus vrais enchantements ». Aussi Breton exige-t-il du peintre et de ses créations une conversion complète puisque « l'œuvre plastique, pour répondre à la nécessité de révision absolue des valeurs réelles sur laquelle aujourd'hui tous les esprits s'accordent, se référera donc à un modèle purement intérieur, ou ne sera pas ».
Pour tenter de cerner ce modèle intérieur, Breton convoque deux « puissant[s] projecteur[s] » qui en ont balayé la voie. Picasso d'abord, qui a donné corps à un monde que jusque-là n'avaient pu pressentir que les poètes et qui a porté à son paroxysme l'esprit d'évasion : « Il faut avoir pris conscience à un si haut degré de la trahison des choses sensibles pour oser rompre en visière avec elles, à plus forte raison avec ce que leur aspect coutumier nous propose de facile, qu'on ne peut manquer de reconnaître à Picasso une responsabilité immense ». Giorgio De Chirico ensuite, précurseur du surréalisme, sur la récente évolution duquel il porte ici un jugement sans appel, déplorant son génie perdu et dénonçant une « escroquerie au miracle ».
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Écrit par
- Guitemie MALDONADO : professeur à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris
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