LE TAMBOUR, Günter Grass Fiche de lecture
À l'automne de 1959 paraît en République fédérale d'Allemagne un roman, Le Tambour. Ce premier volet de ce qui deviendra, avec Le Chat et la souris (1961) et Les Années de chien (1963), la Trilogie de Dantzig provoque aussitôt des polémiques. Ses détracteurs l'accusent d'accumuler les obscénités, les tirades antireligieuses, et de propager le « nihilisme ». Son auteur est à peine connu. Né en 1927 à Dantzig, il s'appelle Günter Grass.
Par le truchement du récit autobiographique d'un nain, Le Tambour jette un regard insolite sur environ un demi-siècle d'histoire allemande, de 1899 aux années 1950. Ce procédé permet à Grass de s'appuyer sur une vision infantile pour déployer son art du grotesque et de l'humour noir. D'autant que son personnage, Oscar, ayant décidé à l'âge de trois ans de ne plus grandir pour ne pas ressembler aux adultes, raconte ce dont il a été le témoin de sa hauteur de 94 centimètres. Caché sous les tables, les lits, les tribunes, il est un témoin privilégié du désordre du monde.
Les mémoires d'un nain
Le dénommé Oscar Matzerath est né en 1924, dans une famille d'épiciers en produits exotiques d'un faubourg de Dantzig. Quand il se met à rédiger ses souvenirs, il a trente ans. Depuis 1945, il a légèrement grandi et mesure 1,21 m. Mais, en contrepartie, il se trouve pourvu d'une bosse dans le dos. Après avoir connu le sort des réfugiés de l'Est, il s'est installé à Dusseldorf. Soupçonné d'avoir participé à un assassinat, il a finalement été transféré dans un asile psychiatrique.
Fidèle à une chronologie linéaire, le roman est construit en quarante-six chapitres, regroupés en trois livres. Dans le premier, Oscar retrace les origines de sa famille, puis il aborde l'entre-deux-guerres et l'arrivée au pouvoir du régime nazi, jusqu'au pogrom antisémite du 9 novembre 1938. La guerre est l'objet du deuxième livre, qui se clôt sur l'entrée des troupes soviétiques à Dantzig, en 1945. Le troisième, enfin, est consacré à l'Allemagne occidentale, de 1945 à 1954, à travers les tentatives d'intégration sociale d'Oscar et ses diverses activités.
Au fil du Tambour, les repères essentiels dans le temps sont indiqués. Toutefois, ce n'est pas d'une fresque historique qu'il s'agit ici. Le livre relève bien plutôt du roman picaresque. Il n'appréhende les événements qu'à travers les fragments que peut en saisir le nain Oscar. L'image de la première moitié du xxe siècle, telle qu'elle était officiellement propagée dans la République fédérale d'Allemagne à l'époque du « miracle économique », en sort fortement démystifiée. Par l'ironie, le sarcasme, le blasphème, Oscar invite au grand nettoyage des consciences, et suggère d'accepter, comme il en fournit personnellement l'exemple, une part de culpabilité.
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Écrit par
- Lionel RICHARD : professeur honoraire des Universités
Classification
Média
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