LE TESTAMENT, François Villon Fiche de lecture
Composé selon François Villon (1431-apr. 1463) dans la nuit de Noël 1456, le Lais avait utilisé en le parodiant le motif courtois de la « départie » d'amour de « l'amant martyr », afin de distribuer sur le mode burlesque des legs inexistants, sans valeur, franchement orduriers ou obscènes à des destinataires bien réels appartenant au milieu parisien du droit, de la justice, des affaires qu'a pu fréquenter le poète. Dans Le Testament qui, selon la fiction mise en scène dans le texte, aurait été dicté en 1461 (en fait il a dû être composé en 1461-1462) au moment où le poète, âgé de trente ans, vient d'être libéré par l'avènement de Louis XI de la « dure prison » de Meung-sur-Loire, sont reprises et amplifiées la forme du Lais (des huitains d'octosyllabes rimant selon le schéma ababbcbc) et sa thématique. Mais à la rupture amoureuse, réelle ou inventée, se substitue de manière plus dramatique et plus urgente la présence menaçante de la mort.
Une méditation sur la mort
Transposer sur le mode poétique une forme juridique n'est pas, dans la seconde moitié du xve siècle, une nouveauté. Mais Villon est le premier à parasiter et à détourner de manière aussi systématique le cadre, le vocabulaire et la structure d'un testament réel. L'acte testamentaire proprement dit est en effet précédé (vv. 1 à 728 ou 792) d'une poignante méditation, qui retarde d'autant le face-à-face avec la mort. S'y entrelacent, dans un désordre qui paraît refléter celui du testateur et son angoisse existentielle, les remords, les confessions, les regrets du temps gaspillé et perdu (par exemple dans les huitains 25 et 26), mais aussi la haine toujours vivace pour l'évêque Thibaut d'Aussigny, le bourreau de Meung, la hantise de la pauvreté, de la vieillesse, de la mort, le renoncement imposé aux plaisirs de l'amour.
Du vers 833 au vers 1843 se déroule la litanie des legs, chaque huitain ou presque s'ouvrant sur le terme juridique « Item », litanie suivie de l'exposé des dispositions bouffonnes concernant les obsèques du « bon folâtre » et du texte de son épitaphe : un rondeau, parodiant le Requiem dans son refrain. L'œuvre se clôt avec deux ballades : la « Ballade de merci », ultime cri de haine adressé à ceux qui ont meurtri le poète ; la « Ballade finale », où résonne une dernière fois la voix d'outre-tombe du testateur retrouvant la posture du martyr de l'amour : « Ici se clôt le testament/ Et finit du pauvre Villon./ Venez à son enterrement,/ Quand vous orrez le carillon,/ Vêtus rouge com vermillon,/ Car en amour mourut martyr :/ Ce jura-il sur son couillon/ Quand de ce monde vout partir. »
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Écrit par
- Emmanuèle BAUMGARTNER : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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